Accueil
Couru en vrai
Interviews
Grands fondus
Ultras mythiques
Ze USA fondus
HK Fu Fu
Entraînement
Livres-Ciné

 

Transe Gaule 2002 (étapes 10 à 12)
Limousin : la machine est rôdée
(mis en ligne le lundi 9 septembre 2002)
Trois jours étranges dans le Limousin. Le premier jour, Annick va fort. Elle ressent ce dont tout coureur d'ultra rêve : la sensation du mouvement perpétuel. Son corps est rôdé et elle le sent. Deuxième jour, beaucoup de mal sur les 20 derniers kilomètres de l'étape. Et le troisième jour, c'est reparti pour une grande journée, racontée par ses accompagnateurs, Nicole et Jean-Didier.

Vendredi 6 septembre 2002 : Etape 10 - St-Sulpice-les-Feuilles - Bourganeuf
64 km (651 km au total)

"Alors, le Limousin, c'est joli ?"
"Sur la route, escortée par des limousines, ça va mieux !"

C'est bon, Annick a la pêche. Elle a même eu la gnaque aujourd'hui pour cette première journée, sur trois prévues, dans... oui c'est ça : dans le Limousin, avec les limousines.

"Je suis partie très doucement, en faisant les cinq premiers kilomètres avec Marianne [Blangy], puis j'ai rattrapé Stephanie vers le 25e kilomètre." Et au final, 45 minutes de mieux qu'il y a deux jours sur la même distance. Car aujourd'hui, il s'est passé quelque chose dans la tête, et surtout dans les jambes d'Annick : "J'ai senti que mon corps était rôdé. C'est une sensation étonnante. J'ai dépassé la phase de préparation, d'apprentissage, et je n'ai plus qu'à mettre un pied devant l'autre." Et ça pourrait durer des semaines. Peut-être.

La route, génératrice de blessures

On peut affirmer sans craindre de trop se tromper que la totalité des blessures des Transe Gaulois, c'est la route qui leur offre. Lors du brieffing de Roscoff, le premier jour, Annick n'a pas osé poser la question : Courir tout le temps à gauche, ça doit être traumatisant à la longue, non ? Oui.
Selon Annick, toutes les blessures viennent de ce dévers constant qui oblige la jambe droite à se poser avant sa voisine. Le corps compense, crée de petites douleurs locales, qui obligent à adopter une position antalgique et qui crée à leur tour des blessures, éventuellement plus graves.
A ce jeu de dominos, les coureurs peuvent souffrir des pieds à la tête, ou peu s'en faut. Annick regarde chaque matin ses chevilles enflées, surtout la droite, mais qui une fois chauffées ne la font plus souffrir ; elle croise les doigts pour que le genou ne se manifeste plus et aujourd'hui, c'est la cuisse qui a fini par lui faire mal vers le 45e kilomètre. Cette fois, c'est une douleur musculaire.
"Je me suis forcé à respirer, comme une femme qui accouche, et la douleur a fini par passer." La respiration décontracte, la décontraction fait disparaître la douleur. Aux dominos de la douleurs répondent les dominos de la guérison. Encore un petit truc appris sur la route.

Infos
Bernard Grojean a pu repartir aujourd'hui, mais avec des roues voilées. Rainer Koch en profite pour prendre la tête de l'étape et de la course. (Source Yanoo.net)

Plus...
Sur UFO : Transe Gaule | Le parcours | Participants
Sur Yanoo.net : Les résultats de la dixième étape

Les douleurs continuent (voir encadré) mais c'est le premier jour où Annick peut apprécier la Transe Gaule à 100 %. En fin de parcours, elle est même surprise lorsqu'elle entend ses suiveurs lui annoncer 13 kilomètres alors qu'elle pensait plutôt à 19. "Je me disais que j'avais fait une bêtise et que j'allais le payer demain." Qu'à cela ne tienne, cette journée est passée, et avec elle, toutes les balises d'une vie normale : "Nous sommes vraiment entrés dans un monde à part. Je n'ai plus de repères. Les kilomètres, les temps, les jours, ne veulent plus rien dire." C'est un épisode de la Quatrième Dimension qui se joue en ce moment sur les routes de France.

Et ces nomades étranges qui s'installent chaque jour dans un trou perdu profitent du départ pour rigoler. Ce matin, comme avant-hier, les premiers sont partis devant, se sont - volontairement - trompés de chemin, pour revenir derrière les derniers et profiter d'une bonne rigolade.

Puis Annick est montée en charge, sans avoir "le souci des autres" et avec une seule envie : avancer, arriver le plus vite possible. "J'ai senti que le corps pouvait faire quelque chose." Elle a été un peu seule ce qui, après une journée comme hier, en compagnie de Stephanie Ehret, lui a donné une impression étrange. Une impression vite oubliée tellement elle avait envie d'en découdre. Elle finit en 8h44 et, de fait, la plupart des coureurs ont apparemment augmenté leurs moyennes. Demain, peu de kilométrage - 49 km - mais une longue côte de plus de vingt kilomètres.


Samedi 7 septembre 2002 : Etape 11 - Bourganeuf - Peyrelevade
49 km (700 km au total)

Deuxième étape limousine aujourd'hui, avec passage de la Creuse (23) à la Corrèze (19). Au kilomètre 15, Annick se sent bien, elle négocie de belle manière la côte de départ, longue de 22 kilomètres, lorsque Rémy Normand la double. Cela méritait bien qu'on s'y attarde un peu dans le zoom du jour...

Le circuit a été aujourd'hui très agréable, tout comme hier, et la côte tellement crainte n'a été qu'une formalité. "Elle n'a pas été très éprouvante et comportait de nombreux faux plats", raconte Annick. Sauf peut-être le premier "mur" de 500m, peu après le départ, que Bernard Grojean a eu beaucoup de mal à franchir dans son handbike réparé. Il ne rattrape ensuite Annick que vers le 25e kilomètre. Après l'arrivée, il racontera avoir également beaucoup souffert dans la dernière côte, peu avant l'arrivée, et mis une bonne demi-heure pour gravir 3 malheureux kilomètres.

Rémy-Terminator Normand : le retour

Nous l'avons vu avec une canne. Nous l'avons vu avec des ampoules à vif. Nous l'avons vu négocier les descentes à reculons pour ne pas souffrir. Tout ça, il l'a fait sans jamais perdre son humour. Aujourd'hui, Rémy NORMAND recueille le fruit de son opiniâtreté et de sa souffrance : il double Annick au 15e kilomètre - en courant - et finit en environ six heures. Il racontera à l'arrivée que ça fait décidément du bien de courir, que le temps passe plus vite et que tout compte fait, c'est bien plus agréable.
Il se paie donc le luxe d'une étape à 8,15 km/h, contre une moyenne, après les 9 premières étapes, de 6,6 km/h. Il a même eu droit à la chansonnette de rigueur en doublant Annick : "Rémy est ressuuuuscité !"
Ressuscité, il en profite pour ouvrir les yeux tout grand et analyser ses nouvelles sensations. Fana du cardio fréquencemètre, qu'il ne quitte jamais, il expliquera à Annick qu'il a l'impression que son coeur se renforce, battant à 120 pulsations par minute là où il aurait avant la Transe Gaule les 140. Après l'arrivée, comme tous les soirs, il fait sa séance d'électrostimulation. Peut-être l'une des causes de sa remontée en forme.

Infos
Philippe FAVREAU, pourtant en deuxième position des coureurs "valides" hier, abandonne aujourd'hui. Selon les informations données par Annick, ce serait un problème de tendon d'Achille. "Il est parti en marchant ce matin et je crois qu'il a stoppé vers le 15e km."
Peter BACKWIN, quant à lui, continue son calvaire et arrive aujourd'hui à 3 minutes à peine sous le temps limite. Espérons que l'exemple de Rémy lui redonne le moral. Sa femme, Stephanie EHRET, semble aller un peu mieux, terminant tout de même environ une heure derrière Annick.

Plus...
Sur UFO : Transe Gaule | Le parcours | Participants
Sur Yanoo.net : Les résultats de la onzième étape

"En ce qui me concerne plus personnellement, j'ai fini un peu dans la douleur à partir du 30e. Là, ça devient embêtant, j'ai vraiment plus envie de souffrir, ni de me retrouver comme il y a trois jours." Pour corser le tout, deux chiens, sûrement bien intentionnés, ont tenu à faire un bout de chemin avec elle. "Ils haletaient, tournaient autour de moi, ils m'ont agacé et comme je ne donne pas de coups de pied aux animaux, je leur ai crié de se barrer !"

Ces événements de nature à changer les idées n'ont pas empêché la tendinite au genou de réapparaître, faisant ensuite remonter la douleur dans la cuisse. Annick termine malgré tout en 6h36, soit 7,42 km/h, ce qui est mieux que sa moyenne générale, calculée à la fin de l'étape 9 à 7,14 km/h. Après la ligne, Christophe Rochotte lui a prodigué un gros massage réparateur.

A l'arrivée, le charme inégalable des petits villages reprend le dessus. Pot d'accueil, gâteaux et gentillesse en prime. Le gymnase n'étant pas chauffé (il gèle la nuit à Peyrelevade) et la salle prévue initialement étant prise, les habitants ont proposé aux coureurs de dormir en gîte. "C'est bien, mais ça casse un peu le groupe, déplore Annick, sans donner l'air de faire la fine bouche. Je commence à bien aimer les gymnases."

Pour demain, Annick ne prévoit rien. "Je ne fais plus de pronostics parce que je pensais que ça allait bien, hier"... et finalement, pas tant que ça. "Je sais juste qu'il y a la mer qui m'appelle, comme chantait Moustaki."


Dimanche 8 septembre 2002 : Etape 12 - Peyrelevade - Neuvic
51 km (751 km au total)

"Nous sommes toujours aussi motivés à 6 jours de l'arrivée." Le pluriel vous aura peut-être mis sur la voie : ce n'est pas Annick qui parle aujourd'hui mais ses suiveurs, Nicole et Jean-Didier, qui font le point sur cette expérience assez inhabituelle.

"Je trouve que c'est une expérience à vivre, il y a une super ambiance, et les coureurs sont impressionnants, je leur tire mon chapeau." Nicole, dithyrambique, se charge de conduire, de la vaisselle, de la cuisine. "De nombreuses choses m'épatent depuis le début. Chez moi je ne marche pas alors qu'ici il m'arrive de courir. Cela me plaît, même si parfois je peine." Jean-Didier, technicien SAV à la retraite, est quant à lui chargé d'aller à la rencontre d'Annick, de préparer ses potions, de charger et décharger les bagages. Il aide aussi un peu à la cuisine.

Les accompagnateurs d'Annick et les autres...

Pas forcément facile de se retrouver du jour au lendemain complètement immergé dans le milieu de l'ultra, à suivre des fêlés montés sur ressorts. Pourtant, Nicole et Jean-Didier, les accompagnateurs d'Annick, s'y sont fait très vite. Le regard qu'ils portent sur les Transe Gaulois est plein d'admiration.
Admiration pour le couple d'Américains, Peter Backwin et Stephanie Ehret. Lui est arrivé hier la cheville en sang. Elle a failli se perdre il y a quelques jours et les a retrouvé en larmes au détour d'un panneau de signalisation... Admiration aussi, bien sûr, pour Rémy Normand, qui avec sa "volonté incroyable" a couru un jour 30 km sans ravitaillement. Et admiration, bien sûr, pour l'ensemble des coureurs, pour les organisateurs, qui transforment une épreuve inhumaine en aventure elle, par contre, tout ce qu'il y a de plus humaine.
De fait, Nicole et Jean-Didier n'ont pas beaucoup le temps de discuter avec les coureurs ni avec les autres accompagnateurs. Leurs journées, longues et éprouvantes, sont toutefois émaillées de signes, d'appels de phares, de petits coups de klaxon en direction des autres suiveurs. Pas la peine d'en dire plus, ils se comprennent.

Plus...
Sur UFO : Transe Gaule | Le parcours | Participants
Sur Yanoo.net : Les résultats de la douzième étape

Classement officieux après 12  jours
Classt Nom
Temps cumulé
Moy (km/h)
1 Rainer Koch
62h29'
12.02
2 Bernard Grojean
67h24'
11.14
3 Jean-Claude Le Gargasson
68h08'
11.02
4 Serge GIrard
69h07'
10.87
5 Luc Dumont
71h16'
10.54
6 Guus Smitt
72h45'
10.32
7 Hervé Goarant
72h48'
10.32
8 Philippe Dieumegard
72h54'
10.30
9 Jan Ondrus
77h33'
9.68
10 Trond Sjaavik
78h27'
9.57
11 Ria Buiten
80h
9.39
12 Karlheinz Kobus
81h14'
9.24
13 Jacques Martin
83h50'
8.96
14 Eric Kréa
86h36'
8.67
15 Daniel Muller
90h41'
8.28
16 Jean-Claude Reant
94h34'
7.94
17 Stephanie Ehret
94h54'
7.91
18 Peter Backwin
95h02'
7.90
19 Don Winkley
100h01'
7.51
20 Annick Le Moignic
103h43'
7.24
21 Rémy Normand
110h24'
6.80
22 Marianne Blangy
121h19'
6.19
23 Philippe Grizard
126h19'
5.94
abandon Philippe Favreau
11 étapes
tendon d'achille
abandon Jean-Bernard Paillissier
3 étapes
court hors course
abandon Bernard Roy
3 étapes
(source Yanoo.net)

Le duo semble fonctionner très bien depuis le début de la course. Ils se sont réparti les rôles et la journée-type ressemble désormais à une vraie litanie de rituels : préparation du petit-déjeûner, chargement et déchargement de la voiture, départ avec plan détaillé en mains, arrêt tous les 5 km... Le soir, ils sont logés à la même enseigne que les coureurs, dans le gymnase, à même le sol, et vivent comme eux.

"A midi, on grignotte, confie Nicole, et le soir on se fait un vrai repas." Leur plus grosse appréhension, c'est qu'Annick fasse 10 km sans ravitaillement. "C'est arrivé une fois. Nous avons dû prendre une déviation d'une trentaine de kilomètres, j'ai paniqué, j'avais peur de la perdre."

Car les occasions de gripper la machine sont légion pendant la Transe Gaule. Il faut trouver de la place pour se garer et pouvoir ouvrir les portières ; il faut s'arrêter au milieu des côtes pour encourager dans ces moments difficiles ; il faut préparer chaque ravitaillement en fonction des désirs d'Annick lors du précédent ; il faut savoir aller à sa rencontre, voire courir à côté d'elle... Bref, le métier de suiveur, c'est dur !

Sa principale mission, ce couple de retraités incroyable l'a très vite comprise : tout faire pour qu'Annick arrive à Narbonne le 14 septembre. A la question "Vous n'avez pas envie de l'arrêter, parfois, lorsque vous la voyez souffrir ?" Ils répondent d'une même voix par la négative. Pour Nicole, "ce n'est pas trop. Je comprends un peu les coureurs, je sais ce qu'ils vivent, ils ont ça dans la peau". Jean-Didier "essaie de donner du courage". Dès le départ de Roscoff, il a annoncé la couleur : "Je suis avec toi pour que tu ailles jusqu'au bout."

Aujourd'hui, Annick a fait une étape pleine d'ivresse, en 6h11 pour 51 km, soit 8,25 km/h. "Elle a mis la gomme les 10 derniers kilomètres et n'a même pas pris le dernier ravitaillement", raconte Nicole. A ce rythme, l'arrivée approche à petite foulées. Nicole et Jean-Didier y pensent peu, si ce n'est pour aider Annick à l'atteindre. Eux aussi sont entraînés dans un mouvement mécanique, quotidien et machinal. Malgré tout, Nicole prévoit "de petites larmes" après Narbonne-Plage...

Accueil | Nouveautés | Plan | En vrai | Interviews | Grands Fondus
Ultras Mythiques | USA |
Entraînement | Livres-Ciné | Forum | Ki kon est ?
L'UFO n'a pas peur d'aller courir tout seul, ni la nuit,
ni en rase campagne (Charte UFO, art. 10)