Transe
Gaule 2002 (étapes
16 à 18)
Vers la Méditerranée : on déroule ! (mis en ligne le lundi 16 septembre 2002)
De
la campagne Aveyronnaise à Narbonne, en passant par
l'Héraut... Dernières étapes de la Transe
Gaule pour Annick. Avant de penser au retour et à "l'après",
elle entend bien déguster ces dernières centaines
de millers de foulées. Au menu, l'étape dite
"de montagne" de la Transe Gaule (17) et une descente
vertigineuse tout droit vers la flotte.
Jeudi 12 septembre 2002 : Etape
16 - Cassagnes-Begonhès - St-Sernin-sur-Rance
55 km (1002 km au total)
A J-2, on reste dans l'Aveyron.
La région est sublime, gentiment fraîche le matin,
chaude mais ombragée dans la journée, magnifique
avec ses longues portions de route sans âme qui vive.
Presque un rêve éveillé. Eveillé(e).
"Merveilleusement
bien !" Première réponse à
la question traditionnelle : "Comment
ça va ?" Je pars un instant pour vous
laisser savourer la suite... "Très
belle journée encore aujourd'hui. La vie est belle.
La Transe Gaule est belle. La France est belle. Je peux dérouler
ma foulée. Hier encore, j'avais des douleurs musculaires
assez prononcées mais aujourd'hui, rien !"
Manger !
Les ravitaillements, Annick les
règle désormais comme du papier à
musique. Elle a déjà prévu d'en
faire profiter les lecteurs d'UFO dès son retour...
et sans doute un peu demain. Contrairement au début
de la Transe, elle mange énormément. "Depuis
plusieurs jours, je dévore. J'ai recommencé
à manger à Neuvic. Ce jour là,
je me suis fait une double portion de blé à
l'arrivée, plus 3 bananes." Au repas
du soir, elle remettait ça !
Au niveau du poids, Annick n'a pas l'impression d'avoir
beaucoup perdu, sauf peut-être dans les premiers
jours, pendant lesquels manger a été un
véritable calvaire. Par contre, il paraîtrait
que la déjà menue Marianne
BLANGY ait perdu quelque 5 kilos.
Cela paraît normal vu que l'on peut estimer qu'un
coureur consomme dans une course comme celle-ci entre
7 000 et 10 000 calories par jour. "Philippe
GRIZARD
m'a dit que je n'avais plus de cuisses, mais ça
m'a l'air plus spectaculaire chez les autres. Lui, en
particulier." Visages émaciés
et muscles saillants, les Transe Gaulois qui vont arriver
à Narbonne seront affutés comme des couteaux
de cuisine.
Infos Ria
BUITEN a quelques problèmes
de cuisse et a fait ses premières marches à
pied. Elle ne supporte pas de s'arrêter de courir
et ça la mine. Avant hier, elle s'est perdue
et a fait un détour de 12 kilomètres.
Aujourd'hui, Jean-Benoît Jaouen avait marqué
RIA en gros, à la farine, sur la route. Elle
ne l'a pas vu mais c'était bien la seule. Peter
BACKWIN et Stephanie
EHRET courent ensemble. Ils passent
désormais devant Annick assez tôt dans
l'étape, ce qui rend cette dernière très
heureuse.
Annick est sur la lune. Et comme
tous ceux qui s'y essaient, elle a des idées originales :
"J'ai proposé aux
organisateurs que la Transe Gaule continue après Narbonne
et retourne à Roscoff après un petit crochet
par Barcelone." Peu de chances que ça marche,
malheureusement. Alors Annick profite pleinement de ses derniers
jours.
"Depuis
deux jours, je cours quasiment toute seule." Nicole,
son accompagnatrice, lui demande si elle ne s'ennuie pas.
Non, Annick ne s'ennuie pas, bien au contraire. Au rythme
des foulées - elle doit en faire une bonne centaine
de milliers par jour - elle pense à la façon
dont elle court ; elle pense à sa vie ; des couplets
de chanson lui viennent en tête, comme Aznavour qui
aujourd'hui lui a parlé de la mer ; elle pense
qu'elle devra bientôt reprendre le boulot et qu'une
réunion importante l'attend mercredi ; et elle
pense à sa fille, qui devait passer un entretien important
mardi et qu'elle n'a pu avoir au téléphone depuis
deux jours.
"Mais
j'ai aussi pensé à un intermède désagrable
hier soir entre les organisateurs et certains accompagnateurs
qui se plaignaient du manque de confort accordé aux
coureurs. Cette discussion m'a laissé pantois. Aucun
coureur ne se plaint !" Dur dur pour les
organisateurs, qui avaient promis la beauté des paysages
mais également le régime spartiate. Mais la
fatigue s'installe chez tout le monde...
... Sauf chez Annick, qui redoute
tout de même le retour. "Je
pense rentrer lundi dans la journée. J'espère,
pour le futur proche, ne pas avoir de steak au premier repas.
Et pour un futur plus lointain, j'aimerais emmener mon mari
à certains endroits du parcours de la Transe Gaule."
Elle l'avait fait pour la course des Templiers et il en avait
ramené des "photos
magnifiques".
Vendredi 13
septembre 2002 : Etape 17 - St-Sernin - St-Pons-de-Thomières
73 km (1075 km au total)
De l'Aveyron à l'Hérault, ça grimpe
dur. Après une étape assez facile hier, la Transe
Gaule est passée aujourd'hui par 4 cols... enfin, 3
et demi puisque le quatrième était plus bas
que le précédent. Pour Annick, ça a été
une étape "terrible". Ce sont ses premiers
mots. La phrase suivante, c'est : "J'ai fait une meilleure
moyenne qu'hier..." C'est à n'y rien comprendre.
En 10h09, elle boucle les 73 kilomètres prévus
avec tout de même un petit passage à vide vers
le quarantième.
Selon Annick, tout le monde est à peu près
bien passé aujourd'hui, à part Jean-Claude Le
Gargasson, deuxième au classement général,
qui finit quatorzième. Il faudra qu'il se batte demain
pour récupérer son rang. "Lorsque l'on
m'a annoncé que devant ça peinait, j'ai eu un
coup au moral, mais j'ai quand même réussi à
ne pas trop lâcher prise." Rémy Normand,
quant à lui, est heureux dans les montées, moins
douloureuses. Il devait être à quelques kilomètres
derrière Annick pendant la plus grande partie de la
journée.
Les ravitaillements d'Annick dans
le détail
Si l'on vous parle de bouffe tous
les jours, ne vous étonnez pas. C'est un facteur
essentiel dans la gestion d'une course par étapes
telle que la Transe Gaule. Annick a mis plusieurs jours
avant de trouver son véritable rythme et ce qui
lui convenait le mieux à mesure que les heures
défilaient. Elle a finalement "sa"
solution.
Trois premiers ravitaillements (5, 10 et 15 km) :
environ un verre de Coca-cola dilué à
50% dans de l'eau ; puis des biscuits au chocolat
; puis un ou deux verres d'eau plate.
Quatrième ravitaillement (20 km) :
pain avec du chocolat, parfois une viennoiserie type
"pain au chocolat". Pareil qu'avant pour la
boisson.
Cinquième ravitaillement : Une carotte (celle
qui est apparue dans les premiers jours) + une tablette
énergétique lorsque la journée
est longue.
A partir de la mi-étape, ou dès que le
Coca est épuisé, Annick prend de la boisson
énergétique et de la Vichy Saint-Yorre
à chaque arrêt. A l'heure du déjeuner,
elle mange du pain et un oeuf dur.
Dans l'après-midi, il lui arrive de demander
des bolinos de pâtes ou de hachis à Nicole
et Jean-Didier. Vers la fin de l'étape, elle
termine en mangeant des bananes et des barres de céréales
enrobées de chocolat.
Et depuis qu'elle va bien, elle est fréquemment
pressée d'en terminer et saute allègrement
le dernier ravitaillement.
Infos Ria
BUITEN va mieux et retrouve le sourire. Bernard
GROJEAN galère dans les étapes
de montagne comme celle d'aujourd'hui. Les montées
sont difficiles, surtout avec son handbike abimé
et les descentes sont dangereuses compte tenu de problèmes
de freins. L'étape de demain devrait mieux lui
convenir.
Ce soir Annick dormira en gîte, ce qui lui fait penser
à la nuit dernière : "Alix, la femme de
Luc Dumont, m'a proposé le quatrième lit de
leur chambre d'hôtel." Annick accepte mais a du
mal à s'endormir quand tout à coup, (là
normalement on sursaute) elle aperçoit un bonhomme
la tête en bas : "Je n'ai pas reconnu tout de suite
Jacques Martin, l'occupant du quatrième lit. Son visage
était rouge. Il est impressionnant ce garçon-là..."
Dans la position du poirier, reposant sur la nuque et les
coudes, il reste un moment dans cette position de relaxation
puis va se coucher, sans un mot. "Le lendemain, il m'a
secoué pour me réveiller." Toujours sans
un mot.
Demain, dernière étape. Elle ressemble à
une équation mathématique. Il s'agit de faire
partir les coureurs en trois vagues, les moins rapides à
4h30, le groupe d'Annick, composé de 7 ou 8 coureurs,
deux heures plus tard, tandis que les premiers pourront faire
la grasse matinée. Le jeu consiste à faire arriver
tout le monde dans l'ordre du classement général,
entre 14h et 17h. Quoi ? Moi non plus je ne crois pas que
ça va marcher... Ce qui va marcher. Annick a décidé
de courir avec son maillot de bain : "J'ai préparé
la tenue. Je plonge dans la mer dès que j'arrive !"
Samedi 14 septembre 2002 : Etape
18 - St-Pons-de-Thomières - Narbonne
70 km (1145 km au total)
Et voilà, c'est fini. Une
dernière étape de 70 kilomètres
a mené pendant huit heures trente notre reporter de
luxe d'un petit village de l'Héraut à Narbonne,
dans l'Aude. Annick, comme promis, a savouré cette
ultime galopade comme il se doit : "Aujourd'hui,
ça a été fantastique. J'ai déroulé
ma foulée tout le lond de la route."
La voix heureuse, comme tous les
soirs depuis une bonne dizaine de jours, elle garde une image
particulièrement forte en mémoire : "Du
premier col, à 10 km du départ, nous aurions
dû apercevoir la mer s'il avait fait beau. Malheureusement,
il a plu dans la nuit et on ne l'a vue que 8 km avant
l'arrivée... A ce moment, j'étais effondrée...
et dans le même temps, mes jambes galopaient de plus
belle."
Galoper pour en finir avec 1145 km
qui ont fait passer Annick par toutes les nuances d'émotions
de la coureuse d'ultra. Mais aujourd'hui, tout s'est concentré
sur la ligne d'arrivée. "Je
ne voulais pas la passer et puis finalement, c'était
un beau moment. " Coureurs,
accompagnateurs, au total une trentaine de personnes
ont mis une ambiance du tonnerre pour acclamer les arrivants
un par un. Un Narbonnais qui passait par là a cru qu'il
s'agissait d'une quelconque course dans la ville. Et quand il
a su...
Contrairement aux autres jours,
où l'arrivée marquait le début de la
concentration, de la réparation, de l'alimentation,
tout le monde a bullé tranquillement, détendu,
heureux d'en avoir fini. "Les
uns et les autres, nous ne réalisons pas vraiment ce
qui nous est arrivé pendant ces dix-huit jours."
Cerise sur le gâteau, les
départs différés (voir l'étape
d'hier) ont permis à Annick de voir tous les coureurs
pour la première fois. "J'ai
vu les foulées des autres et surtout, j'ai vu Rainer,
qui était le seul à avoir une foulée
aérienne." Plus que de survoler cette dernière
étape à une moyenne de 13,12 km/h, il a
eu une touchante attention : "Chaque coureur en me doublant
a eu un gentil petit mot pour moi mais c'est avec Rainer qu'il
y a eu un vrai moment de partage. Il m'a chaleureusement serré
la main." ... Il est également estimé des
autres coureurs. Eric Krea, arrivé premier devant la
ligne par le jeu des départs différés,
a attendu l'Allemand pour le laisser passer en tête.
Et puis, oui, l'aventure se termine
là, dans la Méditerranée. Annick ne sait
pas encore si elle va prendre un train de nuit dimanche soir
ou profiter du camion de Jean-Benoît. Elle ne sait pas
non plus comment son corps va réagir à l'arrêt
brutal de l'effort quotidien, ni quelles vont être ses
réactions physiologiques. En tous les cas, elle lui
offre quinze jours de repos total.