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Augmenter son kilométrage hebdo
Le secret de la ligne rouge
(créé le 9 juin 2002, mis à jour le 19 juin 2002)

L'augmentation du kilométrage hebdomadaire ou la quadrature du cercle du coureur d'ultra. Contrainte n°1 : ne pas se blesser. Contrainte n°2 : se nourrir correctement. Contrainte n°3 : gérer son emploi du temps. Contrainte n°4 : couvrir un maximum de distance. Difficile de concilier tout ça en passant d'un kilométrage "normal" - disons entre 60 et 80 km pour la moyenne des coureurs réguliers  - à un kilométrage "ultra". Nous voyons ici quelles sont les règles de base pour arriver sans casse à 150 voire 200 kilomètres par semaine. L'objectif consiste à ne pas se briser, à ne pas franchir sa ligne rouge personnelle. Après avoir mené sa petite enquête auprès de coureurs d'ultras de tous niveaux, UFO fait le point pour vous.

Par Philippe Giovanelli


Quelle idée saugrenue ! Certes, il y a de nombreuses raisons de se méfier d'un kilométrage élevé. Nous n'en parlerons pas ici. Comme rappelé dans l'article sur les principes de démarrage de l'ultra, l'entraînement long, et notamment la sortie longue, constitue la base psychologique et physiologique du coureur d'ultra. La répétition à grande échelle du même geste permet, outre de développer son endurance, d'en faire une seconde nature.

La montée en charge dans la littérature

On entend beaucoup d'avis, parfois contradictoires, sur la montée en charge et l'importance de la sortie longue. Pour vous faire une opinion, en voici quelques uns résumés.

A- Faites la moyenne de vos 5 plus longues sorties de l'année passée. Ajoutez-y 15% et ne dépassez jamais cette distance à l'entraînement. De plus, n'ajoutez au maximum qu'un seul entraînement hebdomadaire chaque année par rapport à ce que vous êtes capable de faire. Cet entraînement prendra la forme d'une séance tranquille durant 30 à 50 minutes. (Source : Bruno Cavelier - Irina Kazakova)

B- Pour la sortie longue, prenez la plus grande distance que vous ayez courue pendant les trois dernières semaines et augmentez chaque semaine de 1,5 kilomètres jusqu'à arriver à 20 kilomètres. A partir de là, augmentez la distance couverte lors de cette sortie longue de 3 kilomètres tous les 15 jours. Pour un marathon, on stabilise à 32 kilomètres. Ce sera avec le démarrage de la phase de travail de la vitesse que vous pourrez penser à aller plus loin, selon le même principe, jusqu'à atteindre 45 à 48 kilomètres. Concept clé : on augmente le kilométrage total en augmentant celui de la sortie longue et non pas en chargeant le reste de la semaine. (Source : Jogging et course de fond - Jeff Galloway)

C- Lorsque vous atteignez 90 kilomètres, vous pouvez augmenter le kilométrage de 10% chaque semaine pendant trois semaines. La quatrième semaine, revenez au kilométrage de départ. Puis recommencez un cycle de quatre semaines en partant du kilométrage couru lors de la troisième semaine du cycle précédent. Cette façon graduelle de procéder permet de trouver plus facilement le point critique au-delà duquel ne pas aller. (Source : Lee Findler, entraîneur à Atlanta, Etats-Unis)

D- Un principe général souvent rencontré dans la littérature consiste grosso modo à augmenter progressivement son kilométrage pendant trois ou quatre semaines, observer une semaine de récupération, puis tenir un mois le kilométrage de la dernière semaine...

Inutile d'aller plus loin. De ce qui précède, retenir le principe de montée progressive d'une semaine sur l'autre ainsi que celui de semaine de récupération. Et bien sûr, le point de démarrage de votre opération de montée en charge dépend de votre kilométrage moyen et de votre niveau de pratique. Ces principes concernent essentiellement les marathoniens mais nous sommes coureurs d'ultra et souhaitons tailler la route ! Avant de continuer cette passionnante lecture, dites-vous quand même qu'il faut des mois, voire des années avant de pouvoir encaisser chaque semaine 150 ou 200 kilomètres... et une bonne vitesse de base parce que 200 kilomètres à une moyenne de 10 km/h, c'est quand même 20 heures d'entraînement à caler dans la semaine.

Principes propres à l'ultra endurance

Pour multiplier les kilomètres au-delà du raisonnable, il vous faudra privilégier l'endurance plutôt que l'intensité. Selon Bruno Heubi, membre de l'équipe de France de 100 km, il faut gérer au mieux le compromis quantité-qualité. Davantage de kilomètres entraînent nécessairement moins de séances de vitesse. Ainsi, Bruno préconise de maintenir malgré tout une séance de VMA tous les 8-10 jours : "Il y a une vie après l'ultra !". Dans ce contexte, on fait donc moins de séances de fractionnés, moins intenses aussi, mais les volumes des exercices fractionnés augmentent.

Sur cette base, jusqu'où pousser la logique de la sortie longue ? De nombreux coureurs d'ultra en programment deux, voire trois dans la semaine. Assez peu pratiquées par les marathoniens, ces répétitions se casent souvent pendant le week-end. Un usage courant consiste donc à aligner deux sorties longues : le samedi, puis le dimanche. Celle du samedi est généralement la plus longue. Repos le lundi, ou sortie légère.

Toujours plus loin ? Les sorties longues pour l'entraînement à des épreuves par étapes ou à des 12, 24, 48 heures et plus, peuvent atteindre les 6 heures. Grâce à ces sorties "ultralongues", l'ultrafondu pourra préparer son organisme et son mental à tenir longtemps (et non plus seulement "loin"), apprendre à manger, s'habituer à la nuit et apprendre à marcher.

Et si vous avez encore de la place dans votre emploi du temps, pensez aux sorties bi-quotidiennes. Trente minutes le matin, une heure le soir, et ce sont 15 kilomètres effectués, avec une somme de fatigue inférieure à celle d'1h30 de course d'une traite.

Exemple de programme, objectif "ligne rouge"

A ce stade de la réflexion, un cycle de trois fois quatre semaines démarrant à 82 kilomètres pourrait avoir cette tête... Le point clé, c'est de trouver votre propre "ligne rouge" (voir suite de l'article) et de vous y tenir.

  Lun Mar Merc Jeu Ven Sam Dim Total
S 1 1h footing
10 km
Repos 1h VMA long
12 km
1h footing
10 km
Repos 3h
30 km
2h
20 km
8h
82 km

S 2

1h footing
10 km
Repos 1h VMA long
12 km
1h30* foot.
15 km
Repos 3h30
35 km
2 h
20 km
9h
92 km
S 3 1h footing
10 km
40' footing
6 km
1h VMA long
12 km
1h15 foot.
12 km
Repos 4h
40 km
2h
20 km
9h55
100 km
S 4 Repos 1h footing
10 km
1h VMAcourt
12 km
Repos 1h footing
10  km
Repos 1h30
15 km
4h30
47 km
S 5 1h footing
10 km
40' footing
6 km
1h VMA long
12 km
1h15 foot.
12 km
Repos 4h
40 km
2h
20 km
9h55
100 km
S 6 1h footing
10 km
1h footing
10  km
1h VMA long
12 km
1h30* foot.
15 km
Repos 4h
40 km
2h
20 km
10h30
107 km
S 7 1h footing
10 km
1h footing
10  km
1h VMA long
12 km
1h30* foot.
15 km
Repos 4h30
45 km
2h30
25 km
11h30
117 km
S 8 Repos 1h footing
10 km
1h VMAcourt
12 km
Repos 1h footing
10  km
Repos 1h30
15 km
4h30
47 km
S 9 1h footing
10 km
1h30* foot.
15 km
1h footing
10  km
1h30* foot.
15 km
Repos 4h30
45 km
2h30
25 km
11h30
120 km
S 10 1h footing
10 km
1h30* foot.
15 km
1h footing
10  km
1h30* foot.
15 km
40' footing
6 km
5h
50 km
2h30
25 km
12h40
131 km
S 11 1h footing
10 km
1h30* foot.
15 km
1h footing
10  km
1h30* foot.
15 km
1h footing
10  km
5h30
55  km
2h30
25 km
13h30
140 km
S 12 Repos 1h footing
10 km
1h VMA long
12 km
Repos 1h footing
10  km
Repos 1h30
15 km
4h30
47 km
TOTAL GENERAL :
109h20
1130 km
(Source : Ultrafondus)
Les séances marquées d'un astérisque (*) peuvent être décomposées en deux, par exemple 30' le matin et 1h le soir.

Remarque 1 : Commencer un tel programme de montée en charge suppose que vous êtes capable d'encaisser sans problème une semaine d'entraînement à 80 km de type marathon (avec une VMA courte, une VMA longue, une sortie longue et deux ou trois séances d'endurance fondamentale).
Remarque 2 :
On se base ici sur une vitesse de base en endurance fondamentale de 10 km/h. On peut en fait considérer qu'il s'agit-là de l'allure que l'on pourrait tenir sur un 100 km, sur un 12h ou sur un 24h, c'est fonction de l'objectif.
Remarque 3 : Les séances de VMA doivent être effectuées sans crispations, en accélérations souples. Il est possible de les remplacer par des séances d'endurance si besoin, une semaine sur deux.
Remarque 4 : Les douleurs sont normales, les douleurs à l'effort le sont moins, les douleurs qui persistent au fil des jours ou s'aggravent nécessitent l'allègement du programme, voire l'arrêt. Ne pas hésiter, par exemple, à faire des cycles de 3 semaines au lieu de 4. De plus, il est fort probable que la majorité des coureurs s'arrêteront à 8 semaines.
Remarque 5 : Ce programme n'a pas pour objectif la compétition mais juste la montée en charge. En fonction de vos sensations, vous pouvez recommencer sur un autre cycle (déconseillé) ou poursuivre sur des cycles de 4 semaines identiques à S.5 -> S.8.
Remarque 6 : Plus long mais moins risqué et plus efficace, vous pouvez introduire une semaine de récupération-type (celles qui font 47 km) entre chaque semaine de montée en charge. Cela vous rajoute 6 semaines.

Pourquoi aller si loin ?

Si vous connaissez maintenant les pratiques de montée en charge, reste à examiner leur justification... ou leur non-justification. Outre Atlantique, on entend beaucoup parler de la stimulation du système endocrinien. Plus prosaïquement, disons que le métabolisme s'adapte, notamment au niveau de sa réponse hormonale à l'effort d'ultra endurance. De plus, on améliore au fil des entraînements la capacité de son organisme à stocker le glycogène. Le physiologiste Al Claremont explique qu'avec des volumes d'entraînement allant de 150 à 200 kilomètres, vous créez un déficit chronique de ces stocks et forcez ainsi votre organisme à compenser constamment.

En revanche, des études ont été menées (William J. Fink) montrant que le doublement du kilométrage n'avait généralement aucun effet sur la consommation maximale d'oxygène (VO2 Max). On doit donc chercher ailleurs les effets bénéfiques de l'entraînement en volume. Quoiqu'il en soit, on peut déjà pondérer cette remarque en soulignant qu'une grosse base d'endurance permet de se renforcer et d'engager un cycle de travail de vitesse sous les meilleurs auspices.

L'intérêt de monter sur un fort kilométrage peut également être d'ordre psychologique (Jack H. Wilmore). En effet, un fort volume met les jambes un état de fatigue chronique. Et on aboutit ainsi au même mécanisme que pour les réserves de glycogène : le corps compense. Ainsi les semaines d'affûtage (ou "tapering") - basées sur la qualité et fortement allégées - précédant une course vous amènent progressivement à vous sentir plus fort. Et là, c'est dans la tête que ça se passe. S'entraîner plus de 150 kilomètres par semaine peut en conséquence provoquer chez le coureur un net renforcement de sa confiance en lui-même et en sa capacité à finir un ultra.
S'arrêter avant l'autodestruction
L'ultrafond est un sport extrême. Il est donc normal de s'entraîner pour s'y préparer. Mais qui dit "extrême" dit "limite". Lors de votre montée en charge, vous devrez rechercher votre ligne rouge. Au-delà de ce point, c'est l'autodestruction. Tout s'écroule comme un château de cartes, aussi bien d'un point de vue physique (blessures) que mental (lassitude, irritabilité) ou même familial (... divorce !). Vous êtes seul à savoir comment repouser cette ligne rouge. Vous êtes seul à savoir "si" vous pouvez la repousser. Le secret d'une montée en charge réussie, c'est de la trouver.
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Quand l'UFO doit choisir comment perdre son temps, il va courir (Charte UFO, art. 2)