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Euskal Trail 2002
L'Bourrin et Loulou à la sauce basque
(mis en ligne le jeudi 7 juillet 2002)

A la découverte de leurs corps, nos deux coureurs ont couvert 12 km dans cette seconde étape. Bientôt va commencer la descente aux enfers de Loulou.

Texte et photos : Thierry Praom, dit l'Bourrin

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Les nuages ont disparu et le soleil commence à nous chauffer la couenne. Plus on monte et plus le paysage se dévoile. A droite, l'Espagne. A gauche la France. On voit très loin. Cela suffit à faire disparaître tous les menus bobos. Le mauvais temps de la veille est oublié, ou plutôt "pardonné".

L'organisateur nous avait prévenus : ils ont passé quelques mois à mettre de la boue et des nuages sur le parcours d'hier, mais pour aujourd'hui tout a été nettoyé. Résultat, un spectacle 3D et plein les mirettes. Du coup nous avalons la montée sans effort apparent.

Lindus. Altitude 1200m. Je ressens un petit picotement sous la voute plantaire et je profite de la pause pour mettre un Compeed. Loulou me passe sa bombe de Ketum en gel et j'y vais généreusement sur le tibia. Il me dit qu'il va en faire autant car le sien aussi commence à le faire souffrir. Il est surpris car c'est la première fois que ça lui arrive. Encore un nouveau muscle !

Juste aller au bout

Je lui explique comment ça va dégénérer et ce qu'il peut faire pour éviter une dégradation trop rapide de la tendinite, tout en évitant de trop freiner dans les descentes. Il faut éviter de courir trop vite sur le plat, marcher dans les montées mais sans pousser sur la pointe de pied… et en priant un peu. Surtout, éviter les grandes enjambées rapides, l'idéal étant de trottiner en faux-plat montant.

Nous sommes à présent dans le no man's land situé à la frontière franco-espagnole, une bande large d'environ 30m encadrée de barbelés hauts de 1m20. Elle se trouve sur la ligne de crête que nous allons suivre pendant presque 20 km. Quasiment plate, cette portion me faisait peur. Le paysage aidant, elle n'est qu'une formalité. Enfin presque une formalité, car notre duo de canards boiteux clopine. Nous plaisantons toujours avec le Tonton et son neveu. Je me demande pourquoi ils nous suivent comme ca.

Cinq heures que nous courons et marchons. Une demi heure que Loulou souffle a chaque fois que son pied droit est en extension pointe avant. J'en ai mal pour lui. Cette douleur, c'est un peu comme un coup de marteau sur le tibia. Chaque nouvelle descente lui fait plus mal que la précédente. Mais il ne dit rien. Je reste derrière lui pour me caler sur son rythme. Il faut finir à deux et si je le décroche, seul avec la douleur, ça va être la rupture.

L'organisateur, est perché sur un rocher, jumelles à la main, pour surveiller tout son troupeau de trailers, je le remercie de son fabuleux parcours, le congratule pour son organisation et le prends en photo. Loulou plaisante quand même et apprécie les montées. Elles adoucissent la douleur, de même que les phases de trot léger. Nous nous faisons beaucoup dépasser mais maintenant nous ne jouons plus. Il faut juste aller au bout.

Le calvaire de Loulou

Six heures que nous avançons. Loulou a les traits tendus et souffle à chaque pas, que ça monte ou que ça descende. Sa préférence va à la montée. Lorsque je le vois souffrir ainsi, je mets ma petite tendinite de côté. Pour la descente, c'est l'enfer.

Dernier ravito avant l'ascension d'Adarza, à une altitude de 1250m. Loulou grimace de douleur. Nous rechargeons une énième fois nos camel-back. Cette fois nous n'avons plus de poudre à mettre dedans. Vu notre vitesse ce n'est pas bien grave. Il reste encore 12 km avant l'arrivée, ce qui devrait faire environ 3 heures à notre vitesse actuelle. Nous avalons quelques abricots secs et autres barres de céréales tout en réclament du Pastis à corps et à cris. Les bénévoles, attablés à l'apéro, hésitent et finissent par nous l'accorder timidement. Non, nous plaisantons, ça sera pour plus tard. On a une course à finir, nous.

Le calvaire de Loulou recommence. Désormais, même les montées ne le calment plus. Je suis derrière et entends son souffle saccadé. Il ne dit rien et continue. Il affirmait aimer faire se genre de c###eries, se faire mal. Ben là il est servi. Il a une sacré constance, quand même, parce qu'il sait pertinemment qu'il ne pourra plus marcher dans les quelques jours à venir. Il sait aussi que s'il va trop loin il est bon pour le billard. En effet, sur une périostite aïgue la cheville risque de gonfler et d'étouffer le muscle. Si cela ne dégonfle pas en 48h, il faut inciser la gaine qui entoure le muscle. Il continue quand même.

Le sommet. Nous nous arrêtons te pour pointer, nous étirer et surtout admirer le panorama. Je n'ai plus qu'une photo que je réserve et puis vous n'aviez qu'à venir pour vous rendre compte vous-même.

Je repars seul à 4 km de l'arrivée

La descente… 1100m de dénivelé négatif en 6 kilomètres. Il va être heureux Loulou ! Surtout que son tibia gauche s'est également réveillé. Il me dit de descendre devant, ce que je refuse de faire. Je prends mon propre rythme sur des portions de 20 à 30 m de dénivelé mais je l'attends à chaque fois.

Huit heures que nous somme partis et 3 heures 30 de souffrance pour mon compagnon. Sa volonté force le respect. Nous atteignons le dernier point de contrôle humain. Je demande à Loulou s'il souhaite stopper ici. Je vois en effet qu'il est limite et il ne sert à rien d'aller à la blessure vraiment méchante. On nous dit qu'il reste 3 ou 4 km. Le chemin ne paraissant pas trop pentu, il repart quand même. Plus qu'un kilomètre avant le dernier pointage. Nous mettons quasiment 20 minutes pour le couvrir. Dans l'intervalle, nous nous sommes arrêtés pour regarder un groupe de vautours tournoyer au-dessus de nous. Je dis à Loulou de se grouiller ou ça va être pour nous.

Dernier pointage. Loulou préfère jeter l'éponge la mort dans l'âme. Il reste environ 400m de dénivelé négatif pour environ 4 km. Même si nous ne finissons pas classés aussi prêt du but, je ne peux pas lui en vouloir. Il a souffert pendant près de 4 heures. Il endure un véritable martyr depuis une bonne heure. Il est dur au mal ! Après m'être assuré de son arrêt définitif et l'avoir rassuré, je repars.

Je n'ai plus de flotte depuis 20 minutes et il n'y en a pas à ce pointage. Comme il ne reste plus que 4 km, je patienterai bien un peu. Je repars donc en trottinant. Je relance tout doucement la machine, sur un chemin pourri, le genre défoncé par les tracteurs, dur et parsemé de cailloux fuyants. J'imagine l'enfer que ça aurait été pour Loulou

J'ai fini !!!

Je prends la dernière photo, celle que j'avais réservé pour nous prendre sur la ligne d'arrivée. J'accélère et double 6 équipes. J'arrive dans le village, me mets dans le rouge et loupe un carrefour. Des spectateurs me sifflent et me remettent dans le bon chemin Serais-je dans le pâté ? Je bourre encore un peu… Dépasse un concurrent isolé, à 5m de la ligne d'arrivée, m'en rends compte après, sinon je l'aurais pas fait… quoique… c'est une course quand même !

J'ai bouclé les 4 derniers kms en 20' et ENFIN…. Je finis un trail long !!!! YOUPIIIIIIII !!! J'ai dû mettre 8h55 pour cette dernière étape. Je suis à la fois content d'avoir vaincu la malédiction qui me pourchassait depuis quelques courses et triste de n'avoir pu finir avec Loulou si proche du but. Je récupère les lots de l'équipe : 2 bouteilles de rosé d'Irouléguy, 4 boites de Chichons, 2 pot de sauce basque et 2 magnifiques t-shirts. Je fonce au ravito, me tape deux verres de Coca (C'est pas bon hein ?), je me goinfre de sandwiches au pâté, au saucisson et, pour le troisième, au fromage, puis je prends un verre de rouge. Aaah, ça va mieux.

J''attends ensuite que la navette-balai me ramène Loulou. Le voilà… ça va il a encaissé le coup, je vais chercher nos sacs et nous allons à la voiture, puis direction la douche… chaude aussi ! Mais c'est que nous sommes chouchoutés !

L'heure du bilan

Un course superbe, un parcours 99,98% nature, dans un cadre indescriptible debeauté. J'y ai aimé l'organisation sans faille, conviviale, soucieuse des coureurs et passionnée par sa région. J'y ai retrouvé le sens de l'hospitalité basque dans toute sa grandeur : humble mais total. J'y ai apprécié le bivouac parfait, un repas typique de grande qualité et avalé dans la bonne humeur. Quant à la sécurité, elle a été sans faille : moto de trial partout sur le parcours, postes de ravitaillement, pointages, contrôles... tous équipés de talkie-walkies. J'ai également aimé le fil d'Ariane sur 60 km d'un parcours qui en comptait 80. Et tout le reste. Finalement, j'ai tout aimé.

D'un point de vue personnel, je ne retire que du bonheur, malgré ma tendinite au tibia. J'ai fini, point à la ligne. Du point de vue de l'équipe, on s'est bien marrés, on a bien trotté, mon acolyte a une sacré caisse pour se faire une balade comme celle-là sans entraînement. Il la paie cash tout de même… l'équipe aussi, mais on remet ça l'année prochaine ! Nos temps ne sont pas si ridicules que cela, car le temps moyen de la première étape est de 8h, nous avons mis 7h30. Le temps moyen de la seconde est de 8h30, et 9h pour moi. On ne sort pas intact d'une telle promenade. Cela rend modeste. Mais il n'empêche que l'année prochaine ON VA TOUS LES POURRIR !!

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