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Les nuages ont disparu et le soleil commence
à nous chauffer la couenne. Plus on monte et plus le
paysage se dévoile. A droite, l'Espagne. A gauche la
France. On voit très loin. Cela suffit à faire
disparaître tous les menus bobos. Le mauvais temps de
la veille est oublié, ou plutôt "pardonné".
L'organisateur
nous avait prévenus : ils ont passé quelques
mois à mettre de la boue et des nuages sur le parcours
d'hier, mais pour aujourd'hui tout a été nettoyé.
Résultat, un spectacle 3D et plein les mirettes. Du
coup nous avalons la montée sans effort apparent.
Lindus. Altitude 1200m. Je ressens un petit
picotement sous la voute plantaire et je profite de la pause
pour mettre un Compeed. Loulou me passe
sa bombe de Ketum en gel et j'y vais généreusement
sur le tibia. Il me dit qu'il va en faire autant car
le sien aussi commence à le faire souffrir. Il est
surpris car c'est la première fois que ça lui
arrive. Encore un nouveau muscle !
Juste aller au bout
Je lui explique comment ça va dégénérer
et ce qu'il peut faire pour éviter une dégradation
trop rapide de la tendinite, tout en évitant de trop
freiner dans les descentes. Il faut éviter de courir
trop vite sur le plat, marcher dans les montées mais
sans pousser sur la pointe de pied
et en priant un peu.
Surtout, éviter les grandes enjambées rapides,
l'idéal étant de trottiner en faux-plat montant.
Nous sommes à présent dans le
no man's land situé à la frontière franco-espagnole,
une bande large d'environ 30m encadrée de barbelés
hauts de 1m20. Elle se trouve sur la ligne de crête
que nous allons suivre pendant presque 20 km. Quasiment plate,
cette portion me faisait peur. Le paysage aidant, elle n'est
qu'une formalité. Enfin presque une formalité,
car notre duo de canards boiteux clopine.
Nous plaisantons toujours avec le Tonton et son neveu. Je
me demande pourquoi ils nous suivent comme ca.
Cinq heures que nous courons et marchons. Une
demi heure que Loulou souffle a chaque fois que son pied droit
est en extension pointe avant. J'en ai mal pour lui. Cette
douleur, c'est un peu comme un coup de marteau sur le tibia.
Chaque nouvelle descente lui fait plus mal que la précédente.
Mais il ne dit rien. Je reste derrière lui pour me
caler sur son rythme. Il faut finir à deux et si je
le décroche, seul avec la douleur, ça va être
la rupture.
L'organisateur, est perché sur un rocher,
jumelles à la main, pour surveiller tout son troupeau
de trailers, je le remercie de son fabuleux parcours, le congratule
pour son organisation et le prends en photo. Loulou
plaisante quand même et apprécie les montées.
Elles adoucissent la douleur, de même que les phases
de trot léger. Nous nous faisons beaucoup dépasser
mais maintenant nous ne jouons plus. Il faut juste aller au
bout.
Le calvaire de Loulou
Six heures que nous avançons. Loulou
a les traits tendus et souffle à chaque pas, que ça
monte ou que ça descende. Sa préférence
va à la montée. Lorsque je le vois souffrir
ainsi, je mets ma petite tendinite de côté. Pour
la descente, c'est l'enfer.
Dernier ravito avant l'ascension d'Adarza,
à une altitude de 1250m. Loulou grimace de douleur.
Nous rechargeons une énième fois nos camel-back.
Cette fois nous n'avons plus de poudre à mettre dedans.
Vu notre vitesse ce n'est pas bien grave. Il reste encore
12 km avant l'arrivée, ce qui devrait faire
environ 3 heures à notre vitesse actuelle. Nous avalons
quelques abricots secs et autres barres de céréales
tout en réclament du Pastis à corps et à
cris. Les bénévoles, attablés à
l'apéro, hésitent et finissent par nous l'accorder
timidement. Non, nous plaisantons, ça sera pour plus
tard. On a une course à finir, nous.
Le calvaire de Loulou recommence. Désormais,
même les montées ne le calment plus. Je suis
derrière et entends son souffle saccadé. Il
ne dit rien et continue. Il affirmait aimer faire se genre
de c###eries, se faire mal. Ben là il est servi. Il
a une sacré constance, quand même, parce qu'il
sait pertinemment qu'il ne pourra plus marcher dans les quelques
jours à venir. Il sait aussi que s'il
va trop loin il est bon pour le billard. En effet,
sur une périostite aïgue la cheville risque de
gonfler et d'étouffer le muscle. Si cela ne dégonfle
pas en 48h, il faut inciser la gaine qui entoure le muscle.
Il continue quand même.
Le sommet. Nous nous arrêtons te pour
pointer, nous étirer et surtout admirer le panorama.
Je n'ai plus qu'une photo que je réserve et puis vous
n'aviez qu'à venir pour vous rendre compte vous-même.
Je repars seul à 4 km de l'arrivée
La descente
1100m de dénivelé
négatif en 6 kilomètres. Il va être heureux
Loulou ! Surtout que son tibia gauche s'est également
réveillé. Il me dit de descendre devant, ce
que je refuse de faire. Je prends mon propre rythme sur des
portions de 20 à 30 m de dénivelé
mais je l'attends à chaque fois.
Huit heures que nous somme partis et 3 heures
30 de souffrance pour mon compagnon. Sa volonté force
le respect. Nous atteignons le dernier point de contrôle
humain. Je demande à Loulou s'il souhaite stopper ici.
Je vois en effet qu'il est limite et il ne sert à rien
d'aller à la blessure vraiment méchante. On
nous dit qu'il reste 3 ou 4 km. Le chemin ne paraissant
pas trop pentu, il repart quand même. Plus qu'un kilomètre
avant le dernier pointage. Nous mettons quasiment 20 minutes
pour le couvrir. Dans l'intervalle, nous
nous sommes arrêtés pour regarder un groupe de
vautours tournoyer au-dessus de nous. Je dis à
Loulou de se grouiller ou ça va être pour nous.
Dernier pointage. Loulou préfère
jeter l'éponge la mort dans l'âme. Il reste environ
400m de dénivelé négatif pour environ
4 km. Même si nous ne finissons pas classés aussi
prêt du but, je ne peux pas lui en vouloir. Il a souffert
pendant près de 4 heures. Il endure un véritable
martyr depuis une bonne heure. Il est dur au mal ! Après
m'être assuré de son arrêt définitif
et l'avoir rassuré, je repars.
Je n'ai plus de flotte depuis 20 minutes et
il n'y en a pas à ce pointage. Comme il ne reste plus
que 4 km, je patienterai bien un peu. Je repars donc en trottinant.
Je relance tout doucement la machine, sur un chemin pourri,
le genre défoncé par les tracteurs, dur et parsemé
de cailloux fuyants. J'imagine l'enfer
que ça aurait été pour Loulou
J'ai fini !!!
Je prends la dernière photo, celle que
j'avais réservé pour nous prendre sur la ligne
d'arrivée. J'accélère et double 6 équipes.
J'arrive dans le village, me mets dans le rouge et loupe un
carrefour. Des spectateurs me sifflent et me remettent dans
le bon chemin Serais-je dans le pâté ? Je bourre
encore un peu
Dépasse un concurrent isolé,
à 5m de la ligne d'arrivée, m'en rends compte
après, sinon je l'aurais pas fait
quoique
c'est une course quand même !
J'ai bouclé les 4 derniers kms en 20'
et ENFIN
. Je finis un trail long !!!! YOUPIIIIIIII !!!
J'ai dû mettre 8h55 pour cette dernière étape.
Je suis à la fois content d'avoir vaincu la malédiction
qui me pourchassait depuis quelques courses et triste de n'avoir
pu finir avec Loulou si proche du but. Je
récupère les lots de l'équipe
: 2 bouteilles de rosé d'Irouléguy, 4 boites
de Chichons, 2 pot de sauce basque et 2 magnifiques t-shirts.
Je fonce au ravito, me tape deux verres de Coca (C'est pas
bon hein ?), je me goinfre de sandwiches au pâté,
au saucisson et, pour le troisième, au fromage, puis
je prends un verre de rouge. Aaah, ça va mieux.
J''attends ensuite que la navette-balai me
ramène Loulou. Le voilà
ça va il
a encaissé le coup, je vais chercher nos sacs et nous
allons à la voiture, puis direction
la douche
chaude aussi ! Mais c'est que nous sommes
chouchoutés !
L'heure du bilan
Un course superbe, un parcours 99,98% nature,
dans un cadre indescriptible debeauté. J'y ai aimé
l'organisation sans faille, conviviale, soucieuse des coureurs
et passionnée par sa région. J'y ai retrouvé
le sens de l'hospitalité basque
dans toute sa grandeur : humble mais total. J'y ai
apprécié le bivouac parfait, un repas typique
de grande qualité et avalé dans la bonne humeur.
Quant à la sécurité, elle a été
sans faille : moto de trial partout sur le parcours,
postes de ravitaillement, pointages, contrôles... tous
équipés de talkie-walkies. J'ai également
aimé le fil d'Ariane sur 60 km d'un parcours qui
en comptait 80. Et tout le reste. Finalement, j'ai tout aimé.
D'un point de vue personnel, je ne retire que
du bonheur, malgré ma tendinite au tibia. J'ai fini,
point à la ligne. Du point de vue de l'équipe,
on s'est bien marrés, on a bien trotté, mon
acolyte a une sacré caisse pour se faire une balade
comme celle-là sans entraînement. Il la paie
cash tout de même
l'équipe aussi, mais
on remet ça l'année prochaine ! Nos temps ne
sont pas si ridicules que cela, car le temps moyen de la première
étape est de 8h, nous avons mis 7h30. Le temps moyen
de la seconde est de 8h30, et 9h pour moi. On ne sort pas
intact d'une telle promenade. Cela rend modeste. Mais il n'empêche
que l'année prochaine ON VA TOUS LES POURRIR !!
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