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Cela fait plus d'une
semaine maintenant que je suis tombé dans les bras
de Raymond Ramina, au bord du lac du Mont Cenis. J'ai depuis
refait plusieurs fois ma Fort'iche de Maurienne 2001 en esprit.
Je n'en reviens toujours pas.
Cette course commence
en fait un an auparavant, à l'été 2000.
Je rentre de mes vacances pyrénéennes lors desquelles
j'ai participé à la course du Mont Canigou.
J'écris mon compte rendu, puis je lis ceux du Toutou
et de la Linotte, qui ont eux opté pour la première
édition de la Fort'iche. Voilà ce que je veux
faire ! Dès mars 2001, j'épluche les calendriers
de course et demande des renseignements à plusieurs
organisateurs. Je suis tenté entre la raison - 6000D
- et la folie - Fort'iche ou Mercantour. Le Toutou semblant
partant pour remettre le couvert sur la Fort'iche je me lance
sur ses traces. Ma Biquette s'associe à ma folie en
m'offrant l'inscription pour mon anniversaire.
Je ne suis pas anxieux pour affronter ces 115
km et 7200 m de dénivelé positif. Bien sûr,
je vois bien que mon entraînement n'est pas au top,
chez moi en Normandie, les côtes ne sont pas légions.
Nous partons début juillet pour La Bourboule, le programme
de ces vacances est rando ou 40' de course en alternance un
jour sur deux. La première côte en courant me
fait craindre le pire, j'explose après 300m et moins
de 30 m de dénivelé positif. Il me reste 2 semaines
pour travailler les côtes...
Départ sous l'oeil inquisiteur
de la caméra de France 2
Dix-sept juillet. Nous installons
notre tente au camping de Valloire, et je passe un coup de
fil au Toutou. Rendez vous est pris pour le lendemain, une
rando vers la crète des Bataillères avec des
amis réunionnais et hautes savoyardes du raid gauloise.
Rando tranquille et bonne enfant malgré un temps de
chien. Nous en profitons pour découvrir le balisage:
d'horribles flèches oranges taggées sur les
rochers, dommage de n'avoir pas renforcé le balisage
déjà existant du GR, mais il parait que c'est
un projet pour l'an prochain.
Vendredi 20 juillet. Récupération
du dossard. Malgré mes 1m87, je me sens tout petit
derrière un coureur bulgare. Il montre son certificat
médical et ses "diplômes" d'ultra marathon :
mon dieu ! Quelle galère ! Mon optimisme
chute encore d'un cran devant la carte du parcours. Ma Biquette
est quant à elle plutôt confiante. La pasta party
du soir, nous réunit tous. Sous une tranquillité
et des sourires de façade, on devine que chacun plonge
en lui même pour se donner la force de passer une bonne
nuit, se mettre dans les meilleures conditions possibles pour
la promenade du lendemain. Après une nuit brève
mais de qualité, je m'extirpe de mon chaud duvet dès
2h45 du matin. Dehors il fait -2°. Sandra dort et malgré
sa demande, je préfère la laisser dormir.
A 3h du matin, je prends mon petit déjeuner
sous le chapiteau de Valloire,
l'ambiance est studieuse, sous l'il inquisiteur de la
caméra de France 2. La tranquillité de la veille
a disparu chacun vérifie le contenu de son sac, se
pommade, ou se bloque aux toilettes. Anxiété
palpable.
Vers 4h00, je retrouve mes acolytes pour la
vérification des sacs et l'attente du top départ.
Raymond Ramina, l'organisateur nous demande en bon militaire
de coordonner nos montres. Personne n'a la même heure
que lui. A 5h, TOP ! le peloton s'élance, Toutou
me l'avait dit: "Je partirai
en marchant. C'est pas très dur alors on peut se laisser
entraîner et le payer plus tard." J'applique
ses conseils et le vois qui pars en courant !
Sol gelé, paysages grandioses
Nous y voilà, c'est parti, plus le temps
de penser à autre chose. Il fait froid. Il fait nuit.
Nous avons chaud au cur et une envie grande comme ça
d'y aller. Bizarrement, je ne me souviens que difficilement
de cette partie de la course. Si, ça me revient !
Je décide de laisser, comme beaucoup de monde, ma frontale
dans mon sac en attendant la mi-course. Heureusement le chemin
n'est pas trop difficile. Rapidement je double Reine-May et
Nicolas, des copains réunionnais, et retrouve le Toutou.
Nous attaquons ensemble le raidillon vers
le col des Rochilles. Je m'arrête pour prendre
une photo de ces crêtes autour de nous qui s'illumine
alors que nous sommes toujours à l'ombre et au froid.
Cette pause artistique permet au Toutou de s'envoler devant
moi de quelques dizaines de mètres. Je suis content
pour lui, même si secrètement j'aurais aimé
rester à son contact et profiter de son soutien moral
et de son expérience, mais ses doutes semblent partis.
Tant mieux. Vas-y, fonce José !
Au col (2496m),1er ravitaillement. Je vois
derrière moi Reine-May et Nicolas. Je les attends et
nous partons ensemble pour le col de la
Plagnette (2530m). Le chemin est gelé et les
rochers extrêmement glissants. Je rattrape de justesse
Reine-May qui partait en glissade vers le lac en contre bas.
Nous franchissons ensemble ce 1er sommet de la journée.
La descente est entamée par un névé où
je marque le chemin et guide mes comparses réunionnais.
Le sol est toujours gelé, les torrents sont omniprésents.
Le paysage est grandiose !
Nous récupérons rapidement une
route d'exploitation - une piste de ski qui descend lentement
sur les hauts de Valloire. Je rappelle quelques coureurs manquent
le chemin qui coupe quelques lacets puis nous retrouvons Bernard
(un ami de Reine-May et Nicolas) qui était parti sur
la route. Nous arrivons donc à 4 au deuxième
ravitaillement. Un coureur italien se fait momifier la tête
par des secouristes : il a glissé sur un névé
et s'est ouvert le front. Impressionnant.
Mega coup de bambou avant le col des Marches
A partir de maintenant, il faut émarger
à chaque point de contrôle. J'ai à peine
signé que mes partenaires sont déjà repartis
vers d'autres cieux. NON !!! Je ne dois pas partir sur
leur trace. Je prends le temps de me restaurer, de souffler,
je "tombe" la polaire et je repars tranquillement
vers le col des Trois-Croix (Km
26). A ce stade là, je suis en pleine forme, mon esprit
vagabonde sur les paysages. Je tente d'imaginer le retard,
certainement conséquent, sur José. Mais que
la descente sur Valmeinier est longue sur cette route forestière.
Jamais content ! Sur cette route qui remonte vers le
village de Valmeinier j'aperçois les 3 réunionnais
de tout à l'heure. Je gagne du terrain sur eux !
Au détour d'un virage, une copine est là avec
son appareil photo. Elle est surprise de me voir aussi près
des premiers (de notre groupe) et me trouve en pleine forme.
Peu avant le premier gros ravitaillement, je
rejoint un légionnaire qui ne semble pas être
en grande forme (il abandonnera dans la montée du col
des marches, peut-être doute un truc dans le dos). Nous
pestons ensemble contre les escaliers trop raides.
Au ravitaillement, grande surprise ! José
est là avec femme et enfant et... à moitié
nu. Il se change et m'annonce être en forme et "avoir
trouvé pourquoi il était là".
Après m'être sustenté aussi, je pars dans
la longue foulée du Toutou. Le principe est simple :
il faut suivre les pylônes du télécabine,
ce qui suppose de prendre un véritable mur, pleins
pots, pour rejoindre le GR. Je laisse immédiatement
José partir à son rythme.
Dans ce raidillon, deux coups au moral me
frappent successivement. J'ai perdu ma casquette dans la première
partie du parcours et mon appareil photo n'est plus à
sa place. Je pense l'avoir oublié au ravito. Un instant,
j'hésite à faire demi tour. Toujours est-il
que je ne pensais pas autant m'affaiblir psychologiquement
à ce moment de la course. Pour arranger le tout, la
chaleur est à son comble. Mega coup de bambou, je souffre
dans la montée et une vingtaine de coureurs me doublent.
Pourquoi continuer ? Je cherche. Je ne trouve rien !
Enième pause dans cette montée vers
le col des Marches... Raisonnable, je décide
de faire des portions d'une cinquantaine de mètres
entrecoupées d'arrêts. Je m'encourage mentalement :
"Allez, maintenant jusqu'au
rocher après le virage ! Oui ! Réussi !
Maintenant deux petits lacets et puis la pause juste après..."
"Je vais aux toilettes et je
vous réponds après !"
Un peu avant le sommet, je retrouve les motards
avec qui je parle 30 secondes. Des randonneurs me sortent
leur bouteille et m'offrent de boire une gorgée. Je
n'ose pas refuser malgré ma poche à eau sur
le dos. "Reprenez en encore !
Vous en avez besoin pour finir votre exploit."
Ces messieurs m'ont donné bien plus que de l'eau. Même
s'ils ne s'en rendaient pas compte, ils m'ont offert la fin
du col des Marches. J'y suis enfin !
Deux-mille sept cent vingt cinq mètres d'altitude.
Quarante kilomètres courus. Que c'est dur ! Je signe
une feuille au point de de contrôle et regarde les temps.
J'ai perdu 25 minutes sur José rien que dans cette
côte !
La descente vers le lac
de Bissorte est relativement rapide. Je m'offre même
un névé en glissade pour le plaisir. Un plaisir
de courte durée. Trente-cinq minutes plus tard, il
faut se remettre en marche vers la crête
des Bataillères (2804m). J'utilise ici la même
technique que pour finir le col des Marches, je monte par
petites étapes. C'est toujours aussi dur, mais je m'accroche.
Une pause pipi et on repart. Mais voilà que pour corser
mon affaire un autre besoin naturel se fait sentir... Je n'ai
rien pour le satisfaire dans mon sac à dos... Je peux
vous dire que la fatigue, le manque de pêche et ce nouveau
désagrément vous inspire surtout une chose :
l'abandon pur et simple. De toute façon, il faut passer
la crêtes des Bataillères. J'y arrive peu après,
puis entame la descente vers Valfréjus.
Je suis en terrain connu. C'est celui de la randonnée
du mercredi précédent. Je ne profite pas du
tout du paysage. Je fais une fixation sur deux choses :
mes jambes douloureuses et cette envie d'aller aux toilettes.
Valfréjus !
Un nom synonyme de fin de Fort'iche pour de nombreux coureurs.
Heureusement que Sandra ne suivait pas la course. La voir
ici, avec une voiture confortable, aurait été
une tentation bien trop grande pour moi. J'arrive enfin et
vois Maël et Patricia qui me demandent ce que je vais
faire : "Je vais aux
toilettes et je vous réponds après".
Je file à nouveau fringant, je sors du bar réponds
enfin : "Je repars !
je verrai bien à Avrieux !" Pendant
que je prends mon temps pour me ravitailler, je suis rejoint
par deux camarades de jeux qui m'avaient déjà
doublé dans la montée du col des Marches et
que je n'avais pas redoublé depuis. Ces messieurs avaient
été faire un tour au refuge
du mont Thabor, soit un détour de quelques kilomètres...
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