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La Fort'iche du Lapouneur
31h47' d'effort et du courage à la pelle
(mis en ligne le samedi 4 mai 2002)
Connu sous le nom de "Lapouneur", Valéry Harp a couru en 2001 l'une des courses de montagne les plus difficiles au monde : la Fort'iche de Maurienne. Ce n'est pas un coureur de haut niveau - il vaut quand même un peu plus de 3h30 au marathon et 1h35 environ au semi -, pas assez entraîné - du moins c'est lui qui le dit -, mais son mental est d'acier. Sa Fort'iche, il l'a terminée, tout comme la moitié des participants à peine. Son récit, c'est du petit lait.

Par Valéry Harp, dit "Lapouneur"


Sur Ultrafondus
La présentation détaillée de la Fort'iche de Maurienne. > lire

En savoir plus
Retrouvez le Lapouneur sur ses terres : ses récits, ses exploits.
Sa fiche d'identité sur le site de la ménagerie : c'est là !.
Tout sur la Fort'iche de Maurienne : site officiel.


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Cela fait plus d'une semaine maintenant que je suis tombé dans les bras de Raymond Ramina, au bord du lac du Mont Cenis. J'ai depuis refait plusieurs fois ma Fort'iche de Maurienne 2001 en esprit. Je n'en reviens toujours pas.

Cette course commence en fait un an auparavant, à l'été 2000. Je rentre de mes vacances pyrénéennes lors desquelles j'ai participé à la course du Mont Canigou. J'écris mon compte rendu, puis je lis ceux du Toutou et de la Linotte, qui ont eux opté pour la première édition de la Fort'iche. Voilà ce que je veux faire ! Dès mars 2001, j'épluche les calendriers de course et demande des renseignements à plusieurs organisateurs. Je suis tenté entre la raison - 6000D - et la folie - Fort'iche ou Mercantour. Le Toutou semblant partant pour remettre le couvert sur la Fort'iche je me lance sur ses traces. Ma Biquette s'associe à ma folie en m'offrant l'inscription pour mon anniversaire.

Je ne suis pas anxieux pour affronter ces 115 km et 7200 m de dénivelé positif. Bien sûr, je vois bien que mon entraînement n'est pas au top, chez moi en Normandie, les côtes ne sont pas légions. Nous partons début juillet pour La Bourboule, le programme de ces vacances est rando ou 40' de course en alternance un jour sur deux. La première côte en courant me fait craindre le pire, j'explose après 300m et moins de 30 m de dénivelé positif. Il me reste 2 semaines pour travailler les côtes...

Départ sous l'oeil inquisiteur
de la caméra de France 2

Dix-sept juillet. Nous installons notre tente au camping de Valloire, et je passe un coup de fil au Toutou. Rendez vous est pris pour le lendemain, une rando vers la crète des Bataillères avec des amis réunionnais et hautes savoyardes du raid gauloise. Rando tranquille et bonne enfant malgré un temps de chien. Nous en profitons pour découvrir le balisage: d'horribles flèches oranges taggées sur les rochers, dommage de n'avoir pas renforcé le balisage déjà existant du GR, mais il parait que c'est un projet pour l'an prochain.

Vendredi 20 juillet. Récupération du dossard. Malgré mes 1m87, je me sens tout petit derrière un coureur bulgare. Il montre son certificat médical et ses "diplômes" d'ultra marathon : mon dieu ! Quelle galère ! Mon optimisme chute encore d'un cran devant la carte du parcours. Ma Biquette est quant à elle plutôt confiante. La pasta party du soir, nous réunit tous. Sous une tranquillité et des sourires de façade, on devine que chacun plonge en lui même pour se donner la force de passer une bonne nuit, se mettre dans les meilleures conditions possibles pour la promenade du lendemain. Après une nuit brève mais de qualité, je m'extirpe de mon chaud duvet dès 2h45 du matin. Dehors il fait -2°. Sandra dort et malgré sa demande, je préfère la laisser dormir.

A 3h du matin, je prends mon petit déjeuner sous le chapiteau de Valloire, l'ambiance est studieuse, sous l'œil inquisiteur de la caméra de France 2. La tranquillité de la veille a disparu chacun vérifie le contenu de son sac, se pommade, ou se bloque aux toilettes. Anxiété palpable.

Vers 4h00, je retrouve mes acolytes pour la vérification des sacs et l'attente du top départ. Raymond Ramina, l'organisateur nous demande en bon militaire de coordonner nos montres. Personne n'a la même heure que lui. A 5h, TOP ! le peloton s'élance, Toutou me l'avait dit: "Je partirai en marchant. C'est pas très dur alors on peut se laisser entraîner et le payer plus tard." J'applique ses conseils et le vois qui pars en courant !

Sol gelé, paysages grandioses

Nous y voilà, c'est parti, plus le temps de penser à autre chose. Il fait froid. Il fait nuit. Nous avons chaud au cœur et une envie grande comme ça d'y aller. Bizarrement, je ne me souviens que difficilement de cette partie de la course. Si, ça me revient ! Je décide de laisser, comme beaucoup de monde, ma frontale dans mon sac en attendant la mi-course. Heureusement le chemin n'est pas trop difficile. Rapidement je double Reine-May et Nicolas, des copains réunionnais, et retrouve le Toutou. Nous attaquons ensemble le raidillon vers le col des Rochilles. Je m'arrête pour prendre une photo de ces crêtes autour de nous qui s'illumine alors que nous sommes toujours à l'ombre et au froid. Cette pause artistique permet au Toutou de s'envoler devant moi de quelques dizaines de mètres. Je suis content pour lui, même si secrètement j'aurais aimé rester à son contact et profiter de son soutien moral et de son expérience, mais ses doutes semblent partis. Tant mieux. Vas-y, fonce José !

Au col (2496m),1er ravitaillement. Je vois derrière moi Reine-May et Nicolas. Je les attends et nous partons ensemble pour le col de la Plagnette (2530m). Le chemin est gelé et les rochers extrêmement glissants. Je rattrape de justesse Reine-May qui partait en glissade vers le lac en contre bas. Nous franchissons ensemble ce 1er sommet de la journée. La descente est entamée par un névé où je marque le chemin et guide mes comparses réunionnais. Le sol est toujours gelé, les torrents sont omniprésents. Le paysage est grandiose !

Nous récupérons rapidement une route d'exploitation - une piste de ski qui descend lentement sur les hauts de Valloire. Je rappelle quelques coureurs manquent le chemin qui coupe quelques lacets puis nous retrouvons Bernard (un ami de Reine-May et Nicolas) qui était parti sur la route. Nous arrivons donc à 4 au deuxième ravitaillement. Un coureur italien se fait momifier la tête par des secouristes : il a glissé sur un névé et s'est ouvert le front. Impressionnant.

Mega coup de bambou avant le col des Marches

A partir de maintenant, il faut émarger à chaque point de contrôle. J'ai à peine signé que mes partenaires sont déjà repartis vers d'autres cieux. NON !!! Je ne dois pas partir sur leur trace. Je prends le temps de me restaurer, de souffler, je "tombe" la polaire et je repars tranquillement vers le col des Trois-Croix (Km 26). A ce stade là, je suis en pleine forme, mon esprit vagabonde sur les paysages. Je tente d'imaginer le retard, certainement conséquent, sur José. Mais que la descente sur Valmeinier est longue sur cette route forestière. Jamais content ! Sur cette route qui remonte vers le village de Valmeinier j'aperçois les 3 réunionnais de tout à l'heure. Je gagne du terrain sur eux ! Au détour d'un virage, une copine est là avec son appareil photo. Elle est surprise de me voir aussi près des premiers (de notre groupe) et me trouve en pleine forme.

Peu avant le premier gros ravitaillement, je rejoint un légionnaire qui ne semble pas être en grande forme (il abandonnera dans la montée du col des marches, peut-être doute un truc dans le dos). Nous pestons ensemble contre les escaliers trop raides.

Au ravitaillement, grande surprise ! José est là avec femme et enfant et... à moitié nu. Il se change et m'annonce être en forme et "avoir trouvé pourquoi il était là". Après m'être sustenté aussi, je pars dans la longue foulée du Toutou. Le principe est simple : il faut suivre les pylônes du télécabine, ce qui suppose de prendre un véritable mur, pleins pots, pour rejoindre le GR. Je laisse immédiatement José partir à son rythme.

Dans ce raidillon, deux coups au moral me frappent successivement. J'ai perdu ma casquette dans la première partie du parcours et mon appareil photo n'est plus à sa place. Je pense l'avoir oublié au ravito. Un instant, j'hésite à faire demi tour. Toujours est-il que je ne pensais pas autant m'affaiblir psychologiquement à ce moment de la course. Pour arranger le tout, la chaleur est à son comble. Mega coup de bambou, je souffre dans la montée et une vingtaine de coureurs me doublent. Pourquoi continuer ? Je cherche. Je ne trouve rien ! Enième pause dans cette montée vers le col des Marches... Raisonnable, je décide de faire des portions d'une cinquantaine de mètres entrecoupées d'arrêts. Je m'encourage mentalement : "Allez, maintenant jusqu'au rocher après le virage ! Oui ! Réussi ! Maintenant deux petits lacets et puis la pause juste après..."

"Je vais aux toilettes et je vous réponds après !"

Un peu avant le sommet, je retrouve les motards avec qui je parle 30 secondes. Des randonneurs me sortent leur bouteille et m'offrent de boire une gorgée. Je n'ose pas refuser malgré ma poche à eau sur le dos. "Reprenez en encore ! Vous en avez besoin pour finir votre exploit." Ces messieurs m'ont donné bien plus que de l'eau. Même s'ils ne s'en rendaient pas compte, ils m'ont offert la fin du col des Marches. J'y suis enfin ! Deux-mille sept cent vingt cinq mètres d'altitude. Quarante kilomètres courus. Que c'est dur ! Je signe une feuille au point de de contrôle et regarde les temps. J'ai perdu 25 minutes sur José rien que dans cette côte !

La descente vers le lac de Bissorte est relativement rapide. Je m'offre même un névé en glissade pour le plaisir. Un plaisir de courte durée. Trente-cinq minutes plus tard, il faut se remettre en marche vers la crête des Bataillères (2804m). J'utilise ici la même technique que pour finir le col des Marches, je monte par petites étapes. C'est toujours aussi dur, mais je m'accroche. Une pause pipi et on repart. Mais voilà que pour corser mon affaire un autre besoin naturel se fait sentir... Je n'ai rien pour le satisfaire dans mon sac à dos... Je peux vous dire que la fatigue, le manque de pêche et ce nouveau désagrément vous inspire surtout une chose : l'abandon pur et simple. De toute façon, il faut passer la crêtes des Bataillères. J'y arrive peu après, puis entame la descente vers Valfréjus. Je suis en terrain connu. C'est celui de la randonnée du mercredi précédent. Je ne profite pas du tout du paysage. Je fais une fixation sur deux choses : mes jambes douloureuses et cette envie d'aller aux toilettes.

Valfréjus ! Un nom synonyme de fin de Fort'iche pour de nombreux coureurs. Heureusement que Sandra ne suivait pas la course. La voir ici, avec une voiture confortable, aurait été une tentation bien trop grande pour moi. J'arrive enfin et vois Maël et Patricia qui me demandent ce que je vais faire : "Je vais aux toilettes et je vous réponds après". Je file à nouveau fringant, je sors du bar réponds enfin : "Je repars ! je verrai bien à Avrieux !" Pendant que je prends mon temps pour me ravitailler, je suis rejoint par deux camarades de jeux qui m'avaient déjà doublé dans la montée du col des Marches et que je n'avais pas redoublé depuis. Ces messieurs avaient été faire un tour au refuge du mont Thabor, soit un détour de quelques kilomètres...

 
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