Depuis
quelque temps, les travaux de Véronique Billat, chercheur
à la faculté des sciences de Lille, titillent la curiosité
des coureurs amateurs, et pas seulement eux. Elle répond,
ou tente de le faire, à la question cruciale : Comment
travailler plus longtemps ma VO2Max, plus efficacement,
tout en limitant les risques de blessure ? Réponse
(résumée) : à l’aide de fractionnés courts (donc moins
de fatigue), plus nombreux (donc plus de temps dans la zone
de travail) et définis de manière personnalisée. Elle étend
la notion de VO2Max à deux nouvelles variables, la vélocité
à VO2Max (vVO2Max) et le temps maximal durant lequel on
peut tenir cette vitesse (tlimVO2Max). Deux indicateurs,
déterminés par un test terrain, qui vont servir à personnaliser
les séances de fractionnés.
Une
excellente vulgarisation de ces travaux a été écrite par
François
Modave, triathlète de haut niveau, entraîneur et consultant
sur www.competitionzone.com.
Ce qui suit est largement inspiré de son article, initialement
rédigé en anglais et étendant les thèses de V. Billat au
triathlon. On ne se concentre ici « que » sur
la course à pied. Autre source, le site Sports Coach (www.athleticscoach.co.uk),
qui précise certains aspects propres à la course à pied
et propose un calculateur
de vVO2Max.
1-Pourquoi
introduire vVO2Max et tlimVO2Max ?
L’idée
de départ, c’est que la VO2Max est un indicateur trop large,
ne permettant pas de prédire précisément la performance.
Si vous avez une VO2Max de 65 ml/mn/kg et une vVO2Max de
19 km/h à un premier test ; si cette VO2Max passe à
66 un an plus tard, vous voilà à 20 km/h et… vous voilà
bien avancé… D’où l’intérêt d’y ajouter un « temps
de soutien » permettant d’affiner la notion de seule
vitesse.
NB.
Comme vous l’avez sans doute remarqué, la notion de « vVO2Max »
rejoint celle de VMA, déterminée par des tests progressifs
et maximaux de type Léger-Boucher, VAM-Eval, et dans
une moindre précision, le CAT ou le test de Cooper.
La grande différence réside bien dans le temps de soutien
de cette vitesse, qui varie selon les individus.
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2-Comment
déterminer sa vVO2Max ?
Rappel :
la vVO2Max, comparable à la notion de VMA à laquelle nous
sommes plus habitués, représente la vitesse à VO2Max. Pour
être encore plus clair, disons qu’il s’agit de la
vitesse que l’on est capable de tenir à sa propre consommation
maximale d’oxygène. Le test de terrain est relativement
simple à comprendre, un peu moins à exécuter…
Préliminaires :
toujours effectuer ce test dans des conditions similaires
(en termes de surface, de conditions climatiques, de régime
alimentaire, voire d’entraînement).
Etape
1 : Trouvez vous une jolie piste d’athlétisme de 400
m (pas de problème, elle font TOUTES 400 m, sinon, vous
avez pas de bol) et tournez dessus pendant une vingtaine
de minutes, tranquille, allure footing.
Etape
2 : Démarrage du test par paliers.
Partez
à 10 km/h, ce qui correspond à 2’24’’ au tour et 36’’ au
100 m. Les coureurs les plus entraînés partiront à 12 km/h
(soit 2’ au 400m, 30’’ au 100m). Courez 2’ à cette vitesse.
Etape
3 : Crescendo jusqu’au seuil anaérobie par paliers
de 2 mn
Toutes
les deux minutes, augmentez la cadence de 2 km/h jusqu’à
avoir atteint votre vitesse de seuil estimée (ou pour simplifier,
votre vitesse sur 10 km). Voir temps de passage plus bas.
Etape
4 : Re-crescendo jusqu’à traîner la langue parterre
par paliers de 1 mn
Toutes
les minutes augmentez votre vitesse d’1 km/h, jusqu’à ce
que vous ne puissiez plus accélérer. La fin, c’est quand
vous êtes obligé de ralentir. La vitesse maximale atteinte
sur la dernière portion de 1’, c’est votre vVO2Max. Ou du
moins une bonne approximation. La méthode préconise, comme
pas mal de tests de ce type, de placer des cônes tous les
50m, etc. Si vous n’êtes pas en club, ça risque d’être un
peu difficile alors il faudra un peu de pifomètre.
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3-Temps
de passage pour le test vVO2Max
Pour
éviter le pifomètre, ayez en tête, ou notez sur votre avant-bras
les temps de passage suivants. Enfin, bref, faites ça sérieusement
sinon ça va être le bordel.
Vitesse
en km/h
|
Temps
au 400 m
|
Temps
au 100 m
|
Distance
parcourue en 1'
|
10
|
2’24’’
|
36’’
(=)
|
167m
(-)
|
11
|
2’11’’
|
33’’
(-)
|
183m
(+)
|
12
|
2’
|
30’’
(=)
|
200m
(=)
|
13
|
1’51’’
|
28’'
(-)
|
217m
(-)
|
14
|
1’43’’
|
26’’
(-)
|
233m
(+)
|
15
|
1’36’’
|
24’’
(=)
|
250m
(=)
|
16
|
1’30’’
|
23’’
(-)
|
267m
(-)
|
17
|
1’25’’
|
21’’
(+)
|
283m
(+)
|
18
|
1’20’’
|
20’’
(=)
|
300m
(=)
|
19
|
1’16’’
|
19’’
(-)
|
317m
(-)
|
20
|
1’12’’
|
18’’
(=)
|
333m
(+)
|
21
|
1’09’’
|
17’’
(-)
|
350m
(=)
|
22
|
1’05’’
|
16’’
(-)
|
367m
(-)
|
Speedy
Gonzales
|
-----
|
-----
|
-----
|
Légende :
Les distances et temps données sont assez fins, mais tout
de même des approximations…
(-),
pour les temps de passage : aller un peu moins vite
(le temps donné correspond à une vitesse plus rapide.
(+),
pour les temps de passage : aller un peu plus vite
(-), pour la minute : aller moins vite (la distance
est légèrement inférieure)
Par
exemple, vous partez à 10 km/h. Avec ces temps de référence,
vous pouvez vous caler dès le premier 100m en vous assurant
que vous le tournez en 36’’. Si vous êtes parti en début
de ligne droite, vous devez avoir parcouru 2 x 167m = 334m
en 2’, c’est-à-dire une ligne droite, un virage, une ligne
droite et 1/3 du dernier virage. Pour les 2’ à 11 km/h,
vous allez parcourir 366m en plus, soit la fin du virage
en cours (66m), plus une ligne droite, plus un virage, plus
une ligne droite. En 4’, vous aurez parcouru 1 tour ¾, soit
700m. Et ainsi de suite…
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4-Comment
déterminer sa tlimVO2Max ?
Quarante-huit
heures minimum après le test vVO2Max, retour sur la piste…
Echauffement de 20’ en footing, puis élancez-vous à vVO2Max
en essayant de tenir le plus longtemps possible. Arrêtez-vous
quand vous n’arrivez plus à tenir cette vitesse. Le temps
trouvé correspond à votre tlimVO2Max.
Quand
arrêter le test ? Si vous avez estimé votre vVO2Max
à 15km/h, cela correspond à 24’’ au 100m, soit un peu plus
de 4m par seconde. Il faut donc rester dans une fourchette
de proche de 24’’ sur chaque portion de 100m. Assurez-vous
également que vos temps de passage au 400 sont proches de
1’36’’ (l’approximation est d’autant plus fiable que la
distance est longue). Dès que vous arrivez sur une portion
« coup de pompe » – le 100m en 27 ou 28’’ – arrêtez-vous.
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5-Test
simplifié pour les (ultra) pressés
Véronique
Billat a montré que la moyenne des coureurs avait un temps
de soutien tlimVO2Max d’environ 6’. Vous pouvez donc faire
un test de 6’ à fond et obtiendrez ainsi un couple tlimVO2Max
/ vVO2Max avec une tlimVO2Max de 6’ et une vVO2Max personnelle.
Les calculs de temps de fractionnés se feront avec ces temps-là.
Evidemment, le test a beaucoup moins d'intérêt
dans ces conditions et on perd complètement la notion
de "tlim".
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6-Et
maintenant, qu’est-ce que je fais de tout ça ?
Si
on vous a imposé un casse-tête de matheux, c’est pas juste
pour le plaisir. Le but est évidemment de personnaliser
vos séances de fractionné.
Vous
connaissez à ce stade votre couple tlimVO2Max / vVO2Max.
Il va vous servir à déterminer vos séances de travail par
intervalles courts (type 15/15 ou 30/30), celles de travail
par intervalles longs (série de 400 m par exemple)
et celles de fractionnés (série de 1000 m et
plus).
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7-Séance
de 30/30
Ce
type de séance a été très populaire en Europe pendant de
nombreuses années. Malgré tout, il n’y a jamais eu d’indications
précises sur la vitesse, la longueur à parcourir, ni quand
la séance devait être réalisée. C’était une étape traditionnelle
lors des périodes de reprise de l’entraînement. Puis elle
était abandonnée au fil des semaines, car considérée comme
trop « facile » par les athlètes. Les recherches
de Véronique Billat contredisent cette croyance. Les gains
observés sur les coureurs qui ont participé à l’entraînement
qu’elle a conçu ont été réalisés grâce à des séances d’entraînement
de type 30/30. Qu’en est-il exactement ?
Dans
une séance courue à environ 70% de votre vVO2Max, incluez
des répétitions de 30’’ à 100% de vVO2Max, suivies de 30’’
à 50% de vVO2Max pour la récupération. Le temps total d’entraînement
– incluant la récupération – devra être égal à 2 x tlimVO2Max
pour les coureurs débutants, intermédiaires et aussi pour
les coureurs élite en début de saison. Ces derniers enchaîneront
ensuite sur des séances avec un temps total de 2,5 x tlimVO2Max.
Ce temps ne tient pas compte des phases d’échauffement et
de retour au calme
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8-Exemple
de séance de 30/30
Prenons
un coureur « A » ayant une vVO2Max de 15km/h (48’’
au 200m) et une tlimVO2Max de 8’. Un second coureur, intelligemment
nommé « B », aura respectivement des valeurs de
18km/h (40’’ au 200m) et 5’.
« A »
fera 2 x tlimVO2Max = 2 x 8’ = 16’ de fractionnés, soit
16 x 30’’ à 100% (15km/h) entrecoupées de 30’’ à 50% 7,5
km/h). En distance, il alternera 125m en 30’’ et un peu
plus de 60m en 30’’.
« B »
fera 2 x tlimVO2Max = 2 x 5’ = 10’ de fractionnés, soit
10 x 30’’ à 100% (18km/h) entrecoupées de 30’’ à 50% 9 km/h).
En distance, il alternera 150m en 30’’ et 75m en 30’’.
On
voit sur ces exemples combien les durées et vitesses d’entraînement
choisies sont importantes pour se conformer à la méthode.
Si A faisait la séance de B, il dépasserait son seuil de
tolérance lactique ou s’effondrerait précocement. Pour B,
la séance de A s’apparenterait à une séance au seuil, avec
des temps d’effort trop courts.
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9-Les
fractionnés longs (1000m)
Une
autre séance-type conçue par Véronique Billat sur des fractionnés
de 1000m. Attention ! Ces séances n'ont rien
à voir avec ce qui précède, du moins
en ce qui concerne les calculs. Si l’on considère les coureurs
A et B décrits ci-dessus, une séance d’une heure comprendra :
A :
4 x 1000m en 4’ et 500m de récupération en 4’
B :
3 x 1000m en 3’20’’ et 500m de récupération en 3’20’’
Si
vous avez bien fait attention, vous aurez finement remarqué
que les séances de chaque coureur sont plus longues que
2 x tlimVO2Max (en incluant les phases de récupération).
En fait, la durée calculée par 2 x tlimVO2Max correspond
à l’effort SANS la récupération. Pour A, on a bien 16’ à
100% (autant en récupération), et pour B, on a bien 10’
à 100%.
D’où
vient cette différence ? Quand Véronique Billat a effectué
ses tests, elle a pu utiliser des analyseurs de gaz portables
(des « K2 » pour ceux à qui ça dit quelque chose).
Cet appareil, porté par le coureur pendant l’entraînement,
permet de connaître précisément le pourcentage de VO2Max
utilisé. Le chercheur s’est alors rendu compte que, lors
des séances de fractionnés sur 1000m, le pourcentage de
VO2Max utilisé par les coureurs chutait très vite lors de
la récupération et qu’il se situait à un niveau très bas
(environ 60%, voire moins) au départ du 1000m suivant. Rappelons
que l’important est le temps passé à VO2Max… Véronique Billat
s’est par ailleurs aperçu que, lors les soi-disant séances
« faciles » de type 30/30, tous les coureurs (d’élite
ou non) étaient à 100% de leur VO2Max après 5 répétitions.
Même après les 30’’ de récupération…
Cette
observation apporte de nouveaux arguments aux partisans
des courtes sessions (en comparaison des répétitions de
1000m et autres). Vous passerez beaucoup plus de temps à
votre VO2Max mais courrez finalement moins longtemps à haute
vitesse. Implication évidente et presque trop belle :
vous risquerez moins de blessures. Malgré tout, la répétition
des mêmes séances, semaine après semaine peut être ennuyeuse
et le panachage des types de séances de VMA a aussi ses
avantages.
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Quelle
programmation, quelles objections ?
L’avis de Pascal
Prévost,
enseignant à l'UFRSTAPS de Créteil,
chercheur au Collège de France, fondateur
du site sciensport.net.
Les
recherches recherches de Véronique Billat
posent un certain nombre de questions, notamment
concernant la remise en cause (ou non) d'un entraînement
"traditionnel". Faut-il tout changer et
dans quelle mesure. Pascal Prévost, consultant
attitré d'UFO, répond à quelques
questions.
UFO -
Quelles objections au remplacement des séances de
VMA traditionnelles par des séances type vVO2Max ?
Pascal
Prévost -
Aucune
le plus important étant d'évaluer
cette vitesse (quel que soit le nom qu'on lui donne)
de façon la plus précise possible.
Il convient alors de choisir le test le mieux adapté
à ses besoins et à ses conditions
de travail.
Comment
planifier les séances vVO2Max ?
Les
séances de travail de VAM/vVO2max font impérativement
suite à une période de développement
de la capacité d'endurance de la personne.
Ensuite, il y a alternance de séances d'endurance
et de séances de puissance par un travail
intermittent, en fonction des besoins de la personne.
A l'approche de la date de la compétition,
le travail est essentiellement axé sur des
séances d'intensité élevé
(proche de VMA) et de courte durée.
Ce
type de séance vous semble-t-il facilement applicable
dans un contexte de club ? Pour un coureur
seul qui disposerait d’une piste ?
Sans
conteste... même au niveau universitaire,
je l'applique avec des étudiants novices
ou experts en course de demi-fond (5000 m). Une
piste n'est pas impérative du moment que
l'on dispose d'un terrain dont on connaît
les dimensions afin de travailler les séances
de 15/15 ou 30/30.
A
votre avis, ces séances sont elles adaptées à tous
les objectifs des courses de fond, du 10 km au marathon,
voire au-delà ?
Pour
les distances inférieures au marathon, les
études et les résultats aux compétitions
de certains sportifs à tous les niveaux de
compétition sont unanimes. Les séances
de travail intermittent permettent d'augmenter la
cylindrée du moteur (puissance maximale aérobie)
et de pouvoir courir ainsi à un niveau relatif
identique (% de VMA) mais une vitesse absolue plus
élevée (vitesse en km/h maintenue
pendant l'épreuve) sur une distance donnée.
Enfin,
vu l’adoption assez courante du cardio-fréquencemètre,
pourrait-on réfléchir à un moyen de personnaliser
les tests non pas en distance, mais en fréquence cardiaque ?
Le
CFM est effectivement utilisable à condition
de disposer d'un modèle pouvant être
relié à un PC pour en récupérer
le contenu. Cela permet d'afficher les courbes de
FC enregistrées durant le test de VMA/vVO2max
et de disposer de données personnelles sur
les paramètres temporelles (vitesse de montée,
vitesse de récupération, moment de dérive
cardiaque lors de l'épreuve maximale) pouvant
être utilisés sur le terrain lorsque
l'on ne dispose pas de terrain normalisé ou
aux dimensions connues
comme c'est la plupart
du temps le cas lorsque l'on court sur route. Cela
est rendu possible du fait de la relation linéaire
(uniquement en course) entre les valeurs de VO2max
et FC exprimées en pourcentages de leur maximum
respectif (qu'il est impératif d'établir
de façon individuelle pour obtenir le meilleur
résultat).
|
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