La
partie la plus difficile de cette épreuve initiatique
a donné lieu à un excellent documentaire. Pendant
une centaine de jours, le moine parcourt quotidiennement l'équivalent
de deux marathons, soit environ 85 kilomètres, chaussé
de ses sandales de corde. Parfois suivi d'un ou de plusieurs
fidèles, parfois seul, il enchaîne les kilomètres,
les cérémonies rituelles et une période
de diète végétarienne qui l'amène
aux frontières de la mort. Ou de la vie, comme on veut.
Kakudo est un moine Tendaï,
une secte fondée en 805 sur un modèle chinois.
Elle a surtout pour but d'encourager tout un chacun à
devenir un Bouddha. La marche des mille jours est un entraînement
rituel auquel se soumettent les Ajari, sous groupe de l'obédience
Tendaï. Durant cette période, les moines, vêtus
de blanc, coiffés d'un chapeau semblable à une
pirogue renversée et chaussés de sandales de
paille parcourent en courant la ville de Kyoto et ses alentours
escarpés. Ce périple est rythmé par un
mantra sanscrit récité en silence. Au 700e jour,
le moine doit respecter une retraite de neuf jours sans manger,
sans boire et sans dormir. C'est l'épreuve de la "mort
vivante". On ne devient Ajari, du sanscrit "Acharya"
(maître spirituel) qu'après ce périple
de mille jours.
Pendant cette centaine de jours, Tanno
Kakudo rayonne autour de sa montagne magique. Son accoutrement,
ses gestes, chacune de ses pensées sont semblables
à ceux qu'aurait pu avoir l'un de ses prédécesseurs
dès le XIIe siècle. Selon Jean-Yves Tayac, "le
moine Kakudo se présente en sauveur de l'humanité,
le marathon fait de lui un saint martyr". En cas
d'échec Kakudo sait qu'il devra se donner la mort.
On pourrait presque voir une sorte d'humour noir à
l'entendre hésiter entre la pendaison et l'auto-éviscération.
Pourtant cet acte n'a rien
de gratuit. "Ici,
la rétribution participe des modifications individuelles
profondes qu'une quête de soi ne saurait manquer d'apporter.
(...) Le moine Kakudo explique que son marathon des 1000 jours
(...) lui permet de maîtriser son physique, de le subjuguer
pour pouvoir atteindre ce qu'il appelle 'les couleurs
de la vie' (...) Il n'est pas
un champion sportif, mais seul l'usage langagier nous en éloigne."
Jean-Yves Tayac voit dans ce moine un héros,
symboliquement vainqueur de la mort car il surmonte l'angoisse
qu'elle représente.
Au terme de sa longue course, Kakudo est arrivé
à une évidence : que la course ne s'arrêterait
jamais.
Sources :
Aacaweb :
un site offrant un panorama des religions (voir la page
sur les écoles bouddhistes)
Symbolique et rituels sportifs, Jean-Yves
Tayac, éditions Dervy.
Millennium
TV pour le documentaire et les photos (Documentaire
"The marathon monks of mont Hiei" - Ecrit
et produit par Christopher J. Hayden - Basé
sur le livre de John Stevens - Durée
totale : 56' 52'' - Distributeur : CS Associates
/ CEN) |
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