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Le Trail des Puys
Montagnes russes en Auvergne
(mis en ligne le lundi 23 septembre 2002)
Atomic JF a traîné cet été ses chassures de trail dans quelques unes des plus belles courses de France. Et des plus méconnues. Voici un tour de manège dans le Trail des Puys. Imaginez-vous dans le Cantal, mois de juillet, ça monte beaucoup, la vue est splendide. L'ambiance est posée pour cette course aux multiples rencontres.

Texte et photos : Jean-François Boissonneau, dit Atomic JF


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Dimanche 21 juillet 2002, 9 heures du matin, Thiézac, Cantal. Dans le matin mouillé par l'orage de la nuit, je viens de partir une nouvelle fois dans l'aventure partagée d'une course nature : le Trail des Puys. Environ 80 coureurs sont engagés sur le "23 km" et 30 sur le "48 km". Pour la grande course, que j'ai évidemment choisie, il n'y a que trois points de ravitaillement en eau. C'est sévère. D'autant que les longueurs de course annoncées sont "topo", c'est-à-dire faites directement sur carte, sans tenir compte des dénivelés.

Après un départ triomphal (en passant sous un arc gonflable) et un peu de route plate, c'est la première montée raide dans les rues du village. Tout le monde court. Dans trois heures, les mêmes graviront la même pente en marchant. Un bout de chemin de campagne et c'est un sentier étroit qui serpente en suivant la rivière. Avant que je n'aie eu le temps d'y réfléchir, un appui incertain sur une racine humide provoque ma chute sur le flanc. J'inaugure cette course avec une belle douleur mais je m'en tire beaucoup mieux que le jeune qui revient en arrière une jambe raide et la cheville hors d'usage.

La finesse du stentor de la Cère

Un petit homme au visage mince s'inquiète de ma santé. Casquette verte, short bleu, un zeste du joli accent chantant local. On papote. L'homme ne m'a pas donné son nom, je l'appelle donc Thiézac. Ce qui lui convient puisqu'il ne rectifie pas. Il est né il y a déjà un moment à Thiézac et il connaît tous les chemins du coin, ainsi que leurs pièges cachés. Il court le 23 km pour la promenade (il va pourtant vite).

Nous buttons sur une troupe de coureurs arrêtés. On nous dit qu'il n'y a plus de ruban rouge balisant le chemin. "Quelle importance ? déclare Thiézac. Il faut suivre la Cère [la rivière, ndlr] jusqu'à Vic sur ce chemin. Il n'y en a pas d'autre." Les gens hésitent et suivent à contre cœur. L'homme avait raison, les rubans réapparaissent un kilomètre plus loin. Merci Thiézac.

A un embranchement, alors que le balisage est visible de loin sur le chemin de gauche, la belle jeune femme vêtue en noir que mon groupe suit depuis quelques kilomètres, prend le chemin de droite qui s'enfonce un peu plus loin dans un bosquet. Un cœur de voix mâles éclate "à gauche, c'est à gauche !". La championne (c'est elle qui a gagné le 23 km) s'entête dans sa course vers le bosquet en dépit des appels de plus en plus forts en particulier ceux de mon voisin. Courant depuis longtemps avec des dames, j'ai compris que c'est un discret arrêt-pipi. Je le dis à notre homme. Toute la vallée résonne alors d'un tonitruant "Gueulez pas les gars. Elle va pisser." Raffiné le stentor de la Cère.

La montée de Vic-sur-Cère

Qu'il est joli ce petit bourg auvergnat sous le ciel bleu lavé par la pluie. Maisons aux murs de pierres grises jointoyées de blancs, aux volets clairs et aux toits de loses gris bleu, rues tortueuses et montantes bordées de bégonias. La ruelle qu'on remonte se prolonge par une sente de terre noire et grasse. On enjambe un ruisseau et c'est la rude montée dans une forêt sombre. La piste de terre est étroite. Tous les cinq pas des pierres empilées font de mauvais escaliers. Il faut marcher tantôt les bras ballant, tantôt les mains appuyant sur les genoux. Le souffle court, le cœur battant la chamade, je suis trempé dans mon cuissard et mon maillot " spécial respirant " devenus pour l'occasion des éponges gorgées d'humidité.

Devant, Thiézac et son groupe sont à 10 pas que je ne peux combler. Quinze minutes, trente minutes, quarante cinq minutes passent. C'est long et difficile. Nous sortons de la forêt pour attaquer les pentes des premiers alpages auvergnats. Enfin, le premier ravitaillement en eau. Après 1h30 de course, ma poche à eau était déjà vide. Le temps de refaire le plein et les gens du 23 km sont déjà loin. Je continue seul la montée. Les alpages ont à nouveau cédé la place à une profonde forêt de hêtres. A ce stade, nous avons couru quasiment la moitié du parcours sous les hêtres. Après quelques kilomètres de montée à l'ombre, sur les feuilles mortes et la terre humide, la lumière des sommets nous éblouit : nous avons atteint la longue crête qui s'en va vers le nord-ouest rejoindre le puy Griou.

Encore voilées par la brume du matin, loin tout en bas, on devine à gauche la vallée de Mandailles et à droite la vallée de la Cère d'où l'on vient. L'herbe est courte, le vent frais chante aux oreilles, des clarines sonnent un peu plus bas, les silhouettes bleues des montagnes se chevauchent jusqu'à l'horizon. Le paradis.

"Avignon"

Je m'arrête quelques instants pour photographier la vue enchanteresse. Depuis de nombreuses années je prends des photos dans mes longues courses. Mon nouveau petit appareil numérique qui m'a permis de prendre une cinquantaine de clichés pendant la course.

Donc, je prends la photo. Une voix m'interpelle "des photos j'en ai trop pris ! Les images je préfère les garder dans ma tête." L'auteur de cette belle déclaration c'est "Avignon-le-motard". Pourquoi ce nom ? Parce que notre homme s'est seulement présenté comme étant venu d'Avignon en moto. "Avignon" me raconte qu'il a fait des séjours dans des pays aux fantastiques paysages, en particulier en Patagonie et en Amazonie. Qu'il y en a rapporté des milliers de diapositives qu'il n'est pas sûr d'avoir regardé plus d'une fois. Ce n'est, évidemment, pas mon avis de photographe amateur depuis plus de trente ans. La discussion sur l'usage de la photo et les mérites des différentes techniques de présentation nous emmène en descendant par de gras alpages jusqu'au point d'eau qui marque la séparation des deux courses.

"Avignon" m'annonce qu'il compte faire le grand parcours en six heures, je pense le faire en sept. Au revoir. Il mettra six heures et quinze minutes et se classera deuxième V1. A côté des images qu'il a dans la tête, notre champion a aussi mis une pendule.

Perdu !

Au point d'eau, les coureurs du 23 km ayant plongé vers Thiézac, on peut faire le point sur le classement du 48. Une dizaine de coureurs se trouvent quelques dizaines de mètres devant et trois ou quatre se ravitaillent encore. L'essentiel du peloton est donc encore bien groupé.

On marche plus souvent qu'on ne court sur le rude chemin qui remonte vers la crête. La tactique d'un jeune gars m'intrigue. Il semble calquer son allure, à la marche comme à la course, sur la mienne, à la différence près qu'il fait toujours un ou deux pas de course de plus que moi. Un petit écart se creuse peu à peu (un mètre par minute environ). Je le reverrai pourtant.

Une vaste clairière, un buron, puis à nouveau les grands hêtres. Dans la pénombre de la forêt, je devine la présence des gens que je suis à des taches de couleur fugitives. Le tracé grimpe ensuite très fort dans les feuilles mortes, je ne vois plus personne devant. Cela m'inquiète plus que de ne plus voir les rubans rouges du balisage, qui de fait s'avèrent souvent placés de manière éparse. J'atteins une crête dégagée. Il faut se rendre à l'évidence : je suis perdu. Première règle du trail, dont j'ai souvent eu l'occasion de vérifier la justesse : ne pas insister sur un chemin si on doute qu'il s'agit du bon. Demi-tour. Je dévale le chemin jusqu'à la dernière chicane pour constater, à la fois consterné et rassuré, qu'on devine à 100 m, un peu à droite, un mince bout de ruban rouge accroché à une brindille. J'ai perdu 15 minutes et monpeloton dans l'affaire.

Christophe le philosophe

Je reprends donc ma route tout seul sous les arbres. La côte est raide et le le chemin a disparu. Je dois inspecter le sous bois tous les cinquante pas pour chercher ce maudit ruban. Vraiment pas super le balisage dans ce coin.

Un éclat de couleur orangée devant : un homme grimpe la pente. La couleur c'est celle des deux bouteilles de son porte bidon. Fatigué de chercher mon chemin seul, je force l'allure pour le rattraper. Il s'appelle Christophe. Il est d'abord venu pour la balade. Il nous reste à parcourir environ 40 km "réels" que nous ferons ensemble ou jamais à plus de deux cents pas l'un de l'autre. Christophe souhaite devenir guide accompagnateur dans le parc des volcans. Après quelques heures de course, je me permets de déclarer qu'il en a l'esprit et les moyens physiques.

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